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L'ENQUÊTE AGRICOLE

L’enquête agricole va commencer. Elle se fait administrativement, comme il était facile de le prévoir, mais enfin elle se fait. Il appartient maintenant aux membres des sociétés d’agriculture et des comices, aux propriétaires et cultivateurs de tout ordre, les plus petits comme les plus grands, de faire entendre leurs justes doléances. L’occasion est solennelle ; les griefs de l’agriculture ont pris depuis quelques années un surcroît de gravité, mais ils ne sont pas récens, ils datent de deux cents ans. C’est sous Louis XIV qu’a commencé ce système d’épuisement qui a débuté par priver la France d’un quart de ses habitans, qui a cédé en partie dans le cours du XVIIIe siècle sous les efforts des économistes, qui s’est ravivé pendant la période révolutionnaire et impériale pour céder de nouveau pendant les deux monarchies constitutionnelles de 1815 et de 1830, et qui a reparu depuis quinze ans avec de nouvelles formes et une nouvelle intensité. Fénelon, Vauban et Boisguilbert avaient préparé la résistance sous les yeux mêmes de Louis XIV, mais sans réussir à l’organiser ; elle n’a commencé sérieusement qu’il y a cent ans sous les auspices de leurs successeurs, et s’est poursuivie depuis cette époque avec des alternatives de succès et de revers. Le moment est peut-être venu de faire un pas décisif. Il y va de tout l’avenir de la France, de sa puissance, de sa moralité, de son bonheur, car tous ses intérêts sont engagés à la fois.

« Il faut courir à l’enquête comme au feu, » disait dans la dernière discussion du corps législatif un député de la majorité : « Il