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13 ans ; mais les communes ne se mirent à bâtir des écoles qu’à partir du moment où le canton leur accorda des subsides. C’est le même moyen qui a si bien réussi en France et en Belgique. Un canton surtout a fait récemment d’énergiques efforts pour se relever de cette infériorité : c’est le Tessin. Il est intéressant de constater les progrès récens accomplis dans ce canton, parce qu’ils montrent l’efficacité de l’enseignement obligatoire, même chez une population catholique.

Au centre du canton du Tessin siège comme autorité supérieure un conseil de l’instruction publique composé de cinq membres. Le canton est divisé en seize districts scolaires, dont chacun est visité par un inspecteur qui encourage les municipalités et qui adresse des rapports au conseil supérieur. La dernière guerre d’Italie a eu, pour effet de stimuler les efforts de tout le monde : les couvens supprimés de Lugano, de Mendrisio, Bellinzona, Locarno, ont été transformés en écoles secondaires. Les mêmes villes ont ouvert aussi tout récemment des écoles supérieures laïques pour les filles. Pendant l’année scolaire, le nombre des enfans tenus de se rendre à l’école, schulpflichtig, comme disent très bien les Allemands, était de 18,927 pour une population de 117,750 âmes ; 16,703 se trouvaient dans les écoles primaires, et parmi ceux-ci presque autant de filles que de garçons : 8,193 contre 8,519. Sur les 2,224 manquans, un certain nombre suivaient des écoles privées ou étaient retenus par des maladies et d’autres causes légitimes. Les absences non justifiées se sont réduites à 774[1]. Ces chiffres prouvent qu’en peu d’années le Tessin, qui était l’un des cantons les moins éclairés de la Suisse, est parvenu à s’élever à un niveau très satisfaisant.

Dans les cantons où l’instruction primaire est organisée depuis longtemps, on peut dire que chacun sait lire et écrire. Voici un fait curieux rapporté à ce sujet par un statisticien genevois., M. Ador, dans le Journal suisse de Statistique. Il y a quelques années, on chercha à Genève un homme complètement illettré, afin d’expérimenter une nouvelle méthode pour apprendre à lire aux adultes. Longtemps ce fut en vain ; enfin on en découvrit un, mais vérification faite, il se trouva qu’il était né en Savoie. En 1864, tous les hommes nés à Genève ont signé leur acte de mariage, et il ne s’est trouvé que deux femmes qui n’ont, pu en faire autant, Dans les cantons de Vaud, Zurich, Neuchatel, l’instruction est tout aussi répandue. La partie protestante de la Suisse est donc aussi avancée

  1. Nous empruntons ces chiffres à un excellent travail de M. G. Scartazzini, la Publica Educazione nel cantone Ticino. Le grand mal, dit l’auteur, est la modicité du traitement des instituteurs, qui, dans beaucoup de communes, n’atteint pas même le misérable minimum de 300 francs, fixe par la loi.