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faites désastreuses, ayant débuté par la conquête bien vite perdue de Naples et fini dans le Milanais par la bataille de Pavie, avaient épuisé le royaume de France, qu’elles avaient détourné de ses voies naturelles, et dont elles avaient suspendu l’agrandissement régulier.

On ne s’attendait pas du reste à ce que François Ier se soumît aux dures conditions qui lui avaient été imposées. Le nonce du pape écrivait de Tolède après la conclusion du traité de Madrid : Les accords faits par la crainte ne se maintiennent pas[1]. Le roi d’Angleterre chargeait même sir Thomas Cheney et le docteur Taylor, ses ambassadeurs auprès de François Ier, d’insinuer à ce prince qu’il ne devait pas exécuter une convention aussi exorbitante conclue pendant sa captivité, dont l’observation exposerait la couronne de France aux plus grands dommages et ouvrirait le chemin « qui mènerait l’empereur à la monarchie de la chrétienté[2]. »

François Ier n’avait pas besoin des persuasions de Henri VIII pour rompre un traité auquel il s’était attribué le droit de manquer dans la protestation secrète qu’il avait signée à la veille de le conclure. Il était résolu à le faire, mais il hésitait à le dire. Il tira donc en longueur, paraissant plutôt en différer qu’en rejeter l’exécution. Dès son arrivée à Bayonne, l’ambassadeur de Charles-Quint, Louis de Praet, lui ayant demandé la ratification qu’il devait donner dans la première ville de son royaume, il ajourna sous un prétexte plausible. Il en fut de même à Mont-de-Marsan, où le commandeur Peñalosa, envoyé par Lannoy, se joignit à Louis de Praet pour le presser de ne pas la retarder davantage[3]. Il allégua cette fois que le traité, rendu public par l’empereur, avait causé un grand déplaisir à ses sujets et excité de grands murmures dans son royaume, que les principaux personnages de l’état, dont il aurait voulu s’aider pour le faire admettre, lui écrivaient de ne pas le ratifier, que de la Bourgogne on lui annonçait que la cession de cette province, « unie et incorporée inséparablement à la couronne, » ne pouvait pas être opérée sans le consentement des états du pays, qui ne le donneraient jamais, et qu’il n’obtiendrait pas davantage l’adhésion des états-généraux du royaume et l’enregis

  1. « Andando le cose di Francia, come vanno, che quasi ognuno estima che si dirà non stant fœdera facia metu. » — Lettere di negosi del conte Baldessar Castiglione nunzio apostolico all’ imperatore Carlo Quinto, t. II, p. 38. Padova 1769, in-4o.
  2. « They shall infer what damage the crown of France may and lus likely to stand in, by the said conditions… that this be way to bring him (Charles) to the monarchy of christendom. » Instructions de mars 1526 signées par Henri VIII. — MS. Calig. D. 7, p. 164-170, et dans Turner, t. II, p. 7.
  3. Réponse du roi François Ier faite le 2 avril 1526 à l’ouverture du vice-roi de Naples Charles de Lannoy. — Archives des Affaires étrangères de France, Correspondance d’Espagne, t. V, f. 113.