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sent en forces, de sa propre main il assassine froidement quiconque lui résiste, ou quiconque lui inspire un soupçon. Voilà le nouvel allié de Garbajal. L’imprimerie de Vittoria, dont nous avions retrouvé à San-Fernando les caractères enlevés par Cortina, fonctionnait de nouveau et publiait le journal officiel de la province. Mendez y répondit par la création d’une feuille nommée El Cosaco, semée sur toutes les routes, où il jetait à notre face les plus sanglantes invectives toujours couronnées par la formule : libertad et independencia.

Huit jours s’étaient à peine écoulés depuis que la contre-guérilla y tenait garnison, que la panique se répandit à Vittoria. On annonçait l’irruption de la bande de Mendez. Sa guérilla, au nord de San-Carlos, avait pillé un convoi considérable appartenant aux négocians de Monterey, puis, faisant brusquement volte face, s’était jetée sur Ximenès, en avait pendu l’alcade et les autorités qui s’étaient présentées à notre passage, avait pris 11,000 piastres (55,000 fr.), tout ce que possédait la malheureuse ville, et s’était emparée des deux grosses pièces d’artillerie laissées en arrière par nous, au moment où elles s’acheminaient à petites journées sur Vittoria. Ces bouches à feu étaient déjà en route sur San-Carlos, qui se transformait de jour en jour en fort réduit, comme le quartier-général de Carbajal, et qui devait être bientôt inexpugnable, si on réussissait à l’armer de canons. Or la Huasteca était totalement apaisée ; le commandant Pavon venait de faire aussi sa soumission. Les districts de Tampico et de Vittoria étaient rentrés dans l’ordre, et Pancho de Leon, le frère de Martin de Leon, avait déposé les armes. Les deux villes principales du Tamaulipas, Tampico et Vittoria, protégées par des travaux sérieux et un armement bien approvisionné, se reliaient déjà par des colonnes mobiles fort redoutées ; le commerce reprenait, quand cette étincelle partie du nord vint mettre le feu à la province. Il n’y avait pas de temps à perdre, si on voulait arracher à l’ennemi les pièces capturées. Par bonheur, les chemins étaient encore pleins de vase, les pièces étaient de gros calibre, et vingt-cinq lieues séparaient San-Carlos de Ximenès. Sans plus tarder, les deux escadrons de contre-guérillas se mirent en route, n’emportant qu’un jour de vivres.

L’officier le plus élevé en grade, M. Isabey, reçut le commandement de l’expédition. Par un temps frais, on a vite franchi le parcours de Guemès. On n’aperçut que les loups des prairies rongeant encore sur la lisière de la forêt les squelettes de nos chevaux, tombés morts au retour de San-Fernando. A l’entrée du village de Guemès, l’alcade, personnage au regard faux, nous révéla mystérieusement qu’un avant-poste ennemi venait de s’enfuir devant