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accompagnait le vice-roi tandis que Lautrec n’était accompagné de personne, c’était en continuation de la même défiance et pour que l’égalité de nombre maintint l’égalité de force entre François Ier et Lautrec d’une part, Lannoy et Alarcon de l’autre. Le dauphin et le duc d’Orléans, Rapprochant de leur père, dont ils allaient prendre la place, lui baisèrent la main, et le vice-roi dit alors à François Ier : « Sire, maintenant votre altesse est libre ; qu’elle accomplisse ce qu’elle a promis ! — Tout sera fait, répondit François Ier[1]. » Il embrassa ses enfans, et, descendant dans la barque qui les avait conduits, il fut ramené au rivage. En abordant la terre de France, il ne put contenir la joie que lui inspiraient le sentiment de la liberté et le retour dans son royaume. Il s’élança sur un cheval et il s’écria : « Maintenant je suis roi ! je suis roi encore[2] ! » Puis il se rendit à Saint-Jean-de-Luz, où les seigneurs de la cour, le chancelier Duprat et, l’ambassadeur d’Angleterre étaient venus à sa rencontre, et il arriva le même jour à Bayonne. En mettant pied à terre, il alla dans la grande église de cette ville rendre grâce à Dieu de sa délivrance[3], et combler de joie par sa présence et les vifs témoignages de sa reconnaissante affection la régente sa mère, qui avait gouverné le royaume pendant sa captivité avec un dévouement si actif et une capacité si soutenue. Félicité par l’ambassadeur de Henri VIII de son retour dans ses états, il en fit remonter le bienfait jusqu’au roi d’Angleterre, dont il devait avoir bientôt besoin, et il lui dit avec une effusion de gratitude qui n’était pas sans habileté : « Monsieur l’ambassadeur, je connais parfaitement les bonnes intentions de mon bon frère d’Angleterre, lequel, après Dieu, je remercie de ma liberté. Il a fait pendant ma captivité un acte qui lui assure une gloire éternelle et qui oblige à tout jamais moi et les miens à lui faire service[4]. »


MIGNET.

  1. Sandoval, t.1er, liv. XIV, etc.
  2. Comentarios de los hechos del senor Alarcon, f° 311. — Sandoval, t. Ier, liv. XIV, § 13.
  3. Lettre de Jean de Selve au parlement, dans Captivité, p. 518.
  4. Taylor à Wolsey, 19 mais 1525. Dans Ellis, Original letters, 2e série, t. Ier, p. 333.