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exprima le désir qu’elle le suivît à quelques journées de marche, lorsqu’il se dirigerait vers la frontière de France, afin qu’elle pût le rejoindre aussitôt que, rentré dans son royaume, il aurait rempli les principales conditions du traité. Charles-Quint y consentit sans peine[1] : c’était ce qui lui convenait le mieux en le rassurant le plus. De son côté, mettant à profit les facilités de leur amitié, il hasarda des demandes nouvelles. Il tenait à contenter le duc de Bourbon, que le roi avait en haine comme un rebelle qui l’avait trahi, comme un ennemi qui l’avait vaincu. L’empereur avait exigé que ses possessions lui fussent rendues, que ses complices fussent remis dans leur liberté et dans leurs biens, que sa prétention au comté de Provence fût débattue en justice. Il lui avait accordé le duché de Milan pour le récompenser des services qu’il en avait reçus et pour le dédommager du mariage qu’il avait rompu. Il pria alors le roi d’accorder au duc de Bourbon 20,000 livres de pension jusqu’à ce que le procès touchant la Provence fût vidé, et il renouvela le désir, déjà exprimé dans la négociation et repoussé par le traité, que le Bourbonnais, l’Auvergne, le Forez, et tous les autres pays qui seraient restitués au duc de Bourbon fussent tenus par lui en pleine souveraineté. C’eût été faire de lui un potentat indépendant et détacher de la couronne le centre de la France, comme devaient en être séparés, par le traité de Madrid, la Flandre, l’Artois, la Bourgogne et toutes les provinces frontières appartenant à l’empereur. François Ier consentit à la pension, mais il refusa nettement la souveraineté[2].

Le 16 février, les deux monarques partirent à cheval de Madrid pour aller voir la reine Éléonore, venue de Tolède à Illescas, l’une des possessions de l’opulent archevêque primat des Espagnes. Ils s’arrêtèrent ce jour-là à Torrejpn de Velasco, dont le château appartenait au comte de Puñon Rostro. Ils y établirent leur résidence, et le lendemain ils se rendirent à Illescas, qui n’en était éloigné que de deux lieues. La reine Éléonore attendait dans une galerie[3], avec la reine Germaine de Foix[4] et les dames de sa suite, l’empereur son frère et le roi son fiancé. Après les révérences d’usage, lorsque François Ier s’approcha d’Éléonore, celle-ci tomba à genoux

  1. Lettre de Lannoy à l’archiduchesse Marguerite, du 14 février. — Négociations entre la France et l’Autriche, t. II, p. 653.
  2. Procès-verbal du traitement fait à François Ier, dans Captivité, p. 507-508.
  3. « É las reynas estavan en pié en un corredor esperandolos à la puerta de la escalera. » Relacion de lo sucedido,etc., por Hernandez de Oviedo, fol. 49.
  4. Veuve du vieux roi Ferdinand le Catholique ; elle venait de perdre son second mari, le margrave de Brandebourg, et devait bientôt en épouser un troisième, le duc de Calabre, fils du roi Frédéric de Sicile.