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V

Toutes les clauses de cet accablant traité étaient arrêtées, et le 14 janvier 1526 le traité devait être apporté à François Ier dans l’Alcazar et recevoir de lui la plus formelle adhésion. La veille du jour où le roi, en apparence résigné, était appelé à prendre, à signer et à jurer cet engagement, il réunit dans sa chambre le premier président de Selve, l’archevêque d’Embrun, le maréchal de Montmorency, Chabot de Brion, le prévôt de Paris La Barre, le secrétaire Bayard, et, après avoir pris leur serment de tenir secret tout ce qui allait se faire, il protesta[1] contre le traité auquel il était contraint de se soumettre, et il annula de lui-même les obligations qu’il était sur le point de contracter, comme attentatoires aux droits de sa couronne, dommageables à la France, injurieuses à son honneur. Il rappela qu’il avait plusieurs fois annoncé, soit en Italie, soit en Espagne, à Lannoy comme à Alarcon, que si on le forçait de les prendre, il ne se croirait pas tenu de les observer. Il fit l’historique de sa captivité ; il raconta les promesses de l’empereur pendant sa maladie et l’inexécution de ces promesses après son rétablissement ; il énuméra les tentatives multipliées de négociations pour sa délivrance, les offres si considérables et les raisons si fortes données avec tant d’inutilité par les ambassadeurs de la régente sa mère et par la duchesse d’Alençon sa sœur, et il condamna les exigences de l’empereur comme iniques en soi, impossibles pour lui, inacceptables pour son royaume. « C’est pourquoi, dit-il, l’empereur lui faisant promettre choses exorbitantes qu’il ne peut tenir en son honneur et qui mettraient la France en servitude, il déclare devant Dieu et en présence des dessus nommés,… qu’il cède, par contrainte et longueur de prison et pour éviter les maux qui pourroient en advenir, à ce que l’empereur lui impose ; mais il proteste que tout ce qui est convenu au traité sera nul et de nul effet, et qu’il est délibéré de garder les droits de la couronne de France. »

Il se dégage de ses promesses comme roi, parce qu’il les trouve injustes, et il projette même de manquer à sa parole de chevalier, parce qu’elle ne lui est pas demandée avec confiance et qu’il ne la donnera pas en liberté. Il assure qu’il aimerait mieux mourir que de l’enfreindre s’il la donnait en étant libre, mais que, l’empereur l’exigeant d’un prisonnier qu’il surveille, il n’est pas tenu, d’après les lois de la chevalerie, de la lui garder. Tout en avançant ces maximes sur la violation légitime des engagemens onéreux et sur

  1. Sa protestation du 13 janvier, dans Captivité de François Ier, p. 407-476.