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fit arrêter le capitaine italien Emilio Cavriana, défendit à Alarcon de laisser entrer le nègre dans la chambre du roi[1], et s’apprêta à confiner son prisonnier dans un lieu où il pût être placé avec encore plus de sécurité et sous la surveillance d’une garde moins considérable. Il se disposa en même temps à se rendre à Séville pour y recevoir et y épouser l’infante Isabelle de Portugal, en attendant de recommencer la guerre à l’expiration de la trêve.


IV

C’est alors que la régente Louise de Savoie fit partir pour l’Espagne Chabot de Brion, chargé de ses dernières instructions pour ses ambassadeurs à Tolède. Si la pensée de retenir un prisonnier inutile et la crainte de voir monter sur le trône de France un autre roi ne portaient pas Charles-Quint à délivrer François Ier, la régente autorisait ses négociateurs à conclure la paix en cédant à l’empereur tout ce qu’il demandait. Elle leur disait que la délivrance du roi était d’un prix inestimable pour le royaume, que la longue captivité du roi aurait les inconvéniens les plus graves, que le dauphin ne serait de longtemps en âge et en état de gouverner, qu’elle-même ne saurait porter toujours un si grand faix, que le royaume pourrait tomber dans la confusion et souffrir des maux irréparables, que chacun regretterait alors de n’avoir pas racheté le roi, qu’on avait cédé bien davantage par le traité d’Arras afin de séparer le duc de Bourgogne du roi d’Angleterre ; que le roi Jean, fait prisonnier à la bataille de Poitiers, avait été racheté par bien plus de terres et d’argent, quoiqu’il eût un fils en mesure de gouverner ; qu’en croyant sauver un duché on exposerait le royaume à se perdre, le roi à rester prisonnier, ses enfans à être détruits[2].

Ces raisons, se joignant à l’impatience qu’éprouvait François Ier d’obtenir une liberté qu’il ne pouvait pas se procurer autrement, semblèrent le décider au grand sacrifice de la Bourgogne. Il fit dire à l’empereur, par Charles de Lannoy, que s’il voulait désigner de nouveau des plénipotentiaires, la paix cette fois serait bientôt faite[3]. Charles-Quint n’en nomma que trois, et il les choisit parmi ceux qui étaient le plus favorables à François Ier. Il chargea le vice-roi de Naples Charles de Lannoy, le prieur de Messine, Ugo de

  1. Sandoval et lettre de Perrenot à l’archiduchesse Marguerite, du 18 novembre. — Négociations diplomatiques entre la France et l’Autriche, t. II, p. 644, 645.
  2. Dernières instructions de la régente à ses ambassadeurs, de la fin de novembre. — Captivité de François Ier, p. 413, 414.
  3. Sandoval, t. Ier, liv. XIII, § 14.