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Dieu que nous portions… Nous la lui offrons avec nostre liberté pour le bien, union, paix, conservation de nos subjets et royaulme, pour lesquels vouldrions employer non-seulement nostre vie, mais celle de nos très chers enfans, qui sont nés non pour nous, mais pour le bien de nostre royaulme et vrays enfans de la chose publique de France. »

Il prescrivait en même temps que le dauphin, son fils aîné et son successeur, fût couronné et sacré avec les solennités accoutumées, et fût dès à présent tenu pour roi très chrétien par ses sujets. Il désignait la duchesse d’Angoulême, sa mère, pour exercer la régence pendant la minorité de son fils, lui substituait en cas de mort la duchesse d’Alençon, sa sœur, les invitait à prendre dans les actes du nouveau règne le conseil des princes, des prélats, du chancelier, du président, des autres officiers du royaume. S’il était délivré plus tard, il se réservait de remonter sur le trône, ce qui, sans annuler le couronnement de son fils, en suspendrait les effets jusqu’à son trépas. Rien ne manquait à ce grand dessein, ni la patriotique résignation ni l’habile prévoyance. François Ier pensait sans doute par là se faire rendre une liberté qui rapporterait quelque chose à l’empereur en faisant cesser une captivité qui ne lui rapporterait plus rien. Afin de compléter l’arrangement qui intéressait la France par un arrangement qui touchait à sa personne et pour faire croire à la sincérité de ses sentimens comme à la réalité de ses mesures, il parut vouloir s’établir d’une manière commode dans une prison qui ne devait plus s’ouvrir. Il envoya le maréchal de Montmorency demander à l’empereur soixante personnes qui resteraient attachées à son service pendant sa captivité. Il désigna parmi elles le prévôt de Paris La Barre, le maître d’hôtel Monchenu, l’écuyer tranchant Pommereul, Robertet pour secrétaire, La Pommeraye pour portier, des valets de chambre, de garde-robe, de fourrière, un barbier, un tailleur, un tapissier, des cuisiniers et des aides de bouche, des sommeliers de gobelet, un fruitier, un aumônier, le médecin Burgancy, un apothicaire, un chirurgien, des officiers ordinaires, comme pâtissier, boulanger, garde-vaisselle, etc., et, afin de le distraire et de le divertir, quatre pages qui savaient chanter, avec ses trois joueurs de luth, d’espinette et de viscontin[1]. C’était toute une maison destinée à adoucir ou faciliter une captivité perpétuelle.

Que ferait Charles-Quint ? Il recevait des conseils contradictoires. Pescara, qui avait prêté l’oreille aux offres des conspirateurs italiens sans les accepter, s’était décidé à lever le masque. Après avoir pris des précautions qu’il jugeait cependant insuffisantes, et

  1. Archives des Affaires étrangères, Correspondance d’Espagne, vol. V, f° 301.