Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/871

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
III

François Ier n’avait rien pu obtenir de l’inexorable Charles-Quint, que n’avaient ébranlé ni l’abandon du roi d’Angleterre, ni l’attitude menaçante de l’Italie. Ses concessions n’avaient pas satisfait Charles-Quint ; ses prières et sa confiance ne l’avaient pas fléchi ; sa maladie, qui semblait l’avoir mieux disposé pour un moment, ne l’avait au fond pas touché ; l’offre d’une immense rançon ne l’avait pas tenté. Il essaya si la crainte de perdre tous les avantages qu’il pouvait retirer de sa délivrance ne rendrait pas l’empereur moins inflexible dans ses résolutions. Il parut résigné sérieusement à une captivité durable et prêt à donner un autre roi à la France en cessant de l’être lui-même. Il ne laissait plus dès lors qu’un prisonnier ordinaire entre les mains de l’empereur. En présence de l’archevêque d’Embrun, du maréchal de Montmorency, du premier président de Selve, de La Barre, prévôt de Paris, il abdiqua en faveur du dauphin son fils. Dans les lettres-patentes[1] destinées au couronnement de son successeur, qu’il signa devant eux et qu’il fit contre-signer par le secrétaire Robertet, il disait : Qu’il avait plu à Dieu de lui sauver la vie et l’honneur à la bataille de Pavie ; que, mis entre les mains de l’empereur, il en avait espéré humanité, clémence et honnêteté comme d’un prince chrétien et d’un proche parent ; que, gravement malade pendant sa prison et dans un état désespéré, cette maladie extrême n’avait pas ému le cœur de l’empereur et ne l’avait pas porté à le délivrer ; que, pour obtenir sa délivrance et conclure une paix profitable à toute la chrétienté, il avait fait les offres les plus considérables ; que les ambassadeurs de la régente sa mère et sa sœur la duchesse d’Alençon, venue à travers la mer et la terre, n’avaient rien omis de ce qui pouvait disposer l’empereur à faire acte d’honneur et d’humanité, tout en recevant la plus grande rançon qui pût se donner pour le plus grand prince du monde et en établissant une étroite alliance au moyen d’un double mariage de sa sœur avec lui et de sa nièce avec le dauphin ; que l’empereur s’y était refusé et n’avait pas voulu le délivrer jusqu’à ce qu’il fût mis en possession du duché de Bourgogne, des comtés de Mâcon et d’Auxerre, de Bar-sur-Seine, outre d’autres demandes non moins déraisonnables et dommageables qu’il avait rejetées. « Nous avons plus tôt résolu, disait-il dans un pathétique langage, endurer telle et si longue prison qu’il plaira à

  1. Lettres-patentes du roi François Ier pour faire couronner en France son fils le dauphin François. — Captivité, etc., f° 418-424, d’après l’original en parchemin.