Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/870

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Charles-Quint demeura insensible à ces fiers regrets et ne crut pas à ce ferme langage. La duchesse d’Alençon, n’ayant plus rien à attendre, prit congé de l’empereur. Le 13 octobre, elle quitta Tolède pour se rendre à Madrid auprès du roi son frère[1]. La négociation entreprise par elle avait été aussi infructueuse que la négociation d’abord engagée par l’archevêque d’Embrun et le premier président de Selve ; elle n’avait duré que quelques jours. Elle sembla complètement abandonnée pendant un mois.

Mais François Ier, dont la santé s’altérait par la prolongation d’une captivité à laquelle il se résignait moins aisément qu’il ne l’avait cru ou qu’il ne l’avait dit, et qui n’était ni d’humeur ni en position d’attendre avec la même patience que Charles-Quint, se lassa le premier de ce silence. Il prit occasion de l’arrivée de Gabriel de Gramont, évêque de Tarbes[2], accrédité comme ambassadeur de France auprès de Charles-Quint, pour renouer la négociation et faire encore une tentative. L’évêque de Tarbes demanda que les plénipotentiaires français fussent admis à présenter des propositions nouvelles au nom du roi leur maître. Charles-Quint y consentit. Croyant sans doute que l’énormité de la somme pourrait disposer le nécessiteux empereur à accepter une rançon en argent sans l’exiger en territoire, les commissaires français lui offrirent trois millions d’écus d’or, en revenant toujours sur le mariage de la reine Éléonore, qui recevrait le duché de Bourgogne en dot[3]. L’empereur répéta qu’il ne voulait pas prendre de rançon du roi, qu’il voulait rentrer seulement dans les domaines héréditaires enlevés à son aïeule par un des prédécesseurs du roi. Il avait dit que la duchesse d’Alençon avait entrepris à tort un si long voyage, puisqu’elle n’avait pas le pouvoir de les rendre ; il déclara aux ambassadeurs de la régente qu’ils renouaient en vain la négociation, s’ils n’offraient pas de les céder. Cette reprise des pourparlers dans laquelle l’empereur se montra plus que jamais résolu et posa comme condition absolue de la paix sa mise en possession de la Bourgogne préalablement à la délivrance du roi, qui serait garantie par des otages, n’eut pas plus de suite et eut encore moins de durée que les précédentes. Elle cessa au bout de quelques jours par la visible impossibilité de s’entendre.

  1. L’empereur sortit lui-même ce jour-là de Tolède et alla chasser du côté d’Aranjuez jusqu’au 21 octobre.
  2. Louis de Bruges, sieur de Praet, avait été en même temps accrédité par l’empereur auprès de la régente.
  3. Lettre de Nicolas Perrenot, écrite le 13 novembre à l’archiduchesse Marguerite. Dans les Négociations entre la France et l’Autriche, t. II, p. 642. — Lettre de Charles V à L. de Praet, son ambassadeur en France, du 20 novembre. Dans Lanz, t. Ier, p. 188.