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les conserver, et il réclamait opiniâtrement le duché de Bourgogne, le comté de Mâcon, le comté d’Auxerre, la vicomte d’Auxonne, la châtellenie de Bar-sur-Seine, ce qui aurait singulièrement réduit à l’est le royaume de France, déjà si resserré au nord. Il demandait impérieusement que le duc de Bourbon, dont la condamnation serait annulée et dont les complices seraient réhabilités, rentrât dans tous ses biens, pût faire valoir ses droits sur la Provence, et, protégé par une formidable alliance politique, appuyé d’une étroite parenté matrimoniale, fût rétabli en souverain dans ses provinces centrales, et pût braver impunément le roi désarmé au cœur du royaume amoindri. En même temps qu’il exigeait des satisfactions aussi dangereuses pour ce rebelle vassal, il imposait au roi qu’il affaiblissait l’humiliante condition d’abandonner d’anciens alliés : le duc de Gueldre, le duc Ulrich de Wurtemberg, le sire de La Marck, seigneur de Bouillon, de Sedan et de Jamets, le sire d’Albret, prince de Béarn et roi de Navarre, et de les livrer ainsi à son inimitié. Charles-Quint allait encore plus loin à l’égard de François Ier. Il le soumettait à des dépendances onéreuses et à des obligations militaires ; il voulait que François Ier fût son suivant dans les grandes cérémonies de son règne, son second dans ses entreprises, son allié dans ses guerres. Il l’astreignait à l’accompagner en Italie avec sa flotte et ses troupes lorsqu’il irait y prendre la couronne impériale dans l’appareil d’un vainqueur et d’un dominateur. Après avoir orné son couronnement, François Ier serait tenu de le suivre dans ses campagnes en mettant sur pied des forces égales aux siennes et en pourvoyant à leur entretien. Il l’aiderait à repousser les Turcs de la Hongrie, à dompter les luthériens en Allemagne, et s’associerait ainsi aux deux grands projets qu’avait Charles-Quint de protéger la chrétienté contre les infidèles, de soutenir la catholicité contre les hérétiques par l’expulsion des Ottomans de l’Europe orientale, qu’ils avaient envahie, et par la soumission des novateurs à l’église, qu’ils avaient abandonnée[1].

Telles étaient les exigences et tels étaient les desseins de l’ambitieux et entreprenant empereur, qui se croyait modéré en ne demandant que ce qu’il appelait le sien et magnanime en refusant une rançon. Il ne considérait pas comme une rançon exorbitante cet abandon complet de l’Italie, cet affranchissement de provinces de tout temps assujetties, cet amoindrissement d’un royaume dont la frontière facile à franchir serait de nouveau rapprochée de la capitale, non moins aisée à atteindre, — enfin cette dépendance d’un

  1. Captivité de François Ier, p. 363-366.