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quelques instans encore à ses côtés, François Ier ne put pas donner la main aux ducs de Calabre, de Bejar, de Najara, etc., qui entrèrent pour lui faire la révérence.

Le lendemain, l’empereur retourna auprès du roi. Il n’oublia rien pour lui rendre la confiance ; mais le royal prisonnier se sentait profondément atteint, et il parla à l’empereur comme s’il ne croyait pas survivre à son mal. Il le supplia, s’il succombait, « d’avoir ses fils pour recommandés, de ne pas trop exiger d’eux, de les prendre sous sa protection et de les défendre contre ceux qui les attaqueraient[1]. » Charles-Quint le rassura et lui dit que tout s’arrangerait selon ses vœux lorsque arriverait sa sœur la duchesse d’Alençon. On annonça en même temps que Marguerite de Valois était entrée dans Madrid et qu’elle approchait de l’Alcazar.

Cette princesse, d’un cœur si tendre, d’un mérite si haut, d’un esprit si rare et si orné, était partie de France au milieu des plus grandes chaleurs de l’été pour aller au fond de l’Espagne travailler à la délivrance de son frère. Sa mère l’avait investie de tous les pouvoirs nécessaires pour cette délicate négociation avec l’espérance que sa beauté et son habileté, les charmes de sa personne et les ressources de son dévouement la conduiraient à bonne fin. Dès que la trêve avait été conclue définitivement et que le sauf-conduit tout à fait en règle lui avait été remis, elle s’était rendue de Lyon à Aigues-Mortes en descendant le Rhône avec la régente sa mère, qui l’avait accompagnée jusqu’au lieu de son embarquement. Montée le 27 août[2] sur la flotte qui devait la transporter en Espagne, elle avait traversé la Méditerranée comme l’avait fait son frère deux mois et demi auparavant, et elle avait pris terre à Barcelone, où l’empereur avait envoyé don Ugo de Moncada à sa rencontre. Sur la route de Barcelone à Madrid, elle avait appris la grave maladie du roi son frère, et, remplie d’anxiété, elle avait mis encore plus de hâte à parcourir l’espace qui la séparait de lui[3]. Le corps fatigué, l’âme troublée, elle faisait de dix à douze lieues d’Espagne par jour[4]. Le cardinal légat Salviati que Clément VII avait dépêché vers l’empereur, qu’elle rencontra et dépassa en route, dit qu’elle se rendait en volant à Madrid, où elle arriva le 20 septembre 1525, le lendemain de la première visite que Charles-Quint avait faite à François Ier. L’empereur descendit jusqu’au bas de l’escalier de

  1. Della vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 179.
  2. Lettres de Marguerite d’Angoulême, sœur de François Ier, publiées par M. Génin, Paris 1841, in-8o, p. 182.
  3. Lettre de Marguerite au maréchal de Montmorency, ibid., p. 187.
  4. Lettre du cardinal Salviati, écrite d’Alcala le 22 septembre et continuée à Tolède le 3 octobre. — Imprimée dans Molini, Documenti storici, t. Ier, p. 191 et suiv.