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sont que des façons ingénieuses de désarmer le gouvernement de l’Union et de lui arracher un meâ culpâ dont on n’aurait pas manqué ensuite de se prévaloir. Je ne crois pas qu’il y ait un homme assez insensé dans le gouvernement rebelle pour s’imaginer que ces termes fussent acceptables, et qu’on pût sans dérision les offrir à un président réélu pour avoir déclaré qu’il ferait triompher l’autorité nationale tout entière. À ces propositions dérisoires M. Lincoln a répondu et devait répondre un non possumus irrévocable, et personne ne peut de bonne foi s’étonner qu’il l’ait prononcé.

Il a fait en revanche toutes les concessions qu’autorisaient l’honneur national et le mandat qu’il a reçu du peuple, exigeant seulement que la loi des États-Unis fût souveraine dans les états dits confédérés, que le gouvernement de la confédération fût dissous, — non ceux des états, — que l’armée mît bas les armes, que l’amendement constitutionnel fût adopté comme le fondement du droit public, et l’esclavage aboli dans les états rebelles du jour où, suivant la constitution, qui est la loi suprême, les trois quarts des états l’auraient ratifié. Il promettait ensuite que dans la pratique et l’exécution des lois, dans l’application surtout du décret de confiscation qui pèse encore sur les rebelles, il userait de toute l’indulgence compatible avec son devoir et ferait grâce des peines trop rigoureuses, pourvu seulement qu’on admît son droit de les infliger. On dit même qu’il a donné sa parole qu’il aiderait de tout son pouvoir le sud à se relever de ses ruines. Rien ne suffit aux envoyés du sud. Puisque leur gouvernement veut l’usurpation ou la guerre, qu’on s’en prenne à lui du sang versé !

Voilà les faits tels qu’ils ressortent du rapport succinct du président Lincoln et des récriminations mêmes des rebelles. C’est aux journaux de Richmond que j’emprunte les détails qui témoignent le plus hautement de leur opiniâtreté intraitable. Les récits qu’ ils font de l’entrevue de Hampton-Roads sont les actes d’accusation les plus concluans contre eux-mêmes et les plus claires justifications de celui qu’ils appellent le tyran Lincoln, car leurs excès les plus odieux sont à leurs yeux les actes les plus nobles d’héroïsme patriotique. Le gouverneur de la Virginie William Smith, plus connu sous le sobriquet d’Extra-Billy Smith, a convoqué le peuple de Richmond à un immense meeting « pour répondre dignement à l’outrage que leur a fait (aux gens du sud) le président des États-Unis, » en ne les suppliant pas humblement de se contenter de l’indépendance et de ne plus vouloir conquérir les états du nord. Le général Lee et tout son état-major y sont venus en grand appareil, et 10,000 personnes ont voté par acclamation qu’elles rejetaient « avec l’indignation que mérite une aussi grossière insulte » les conditions que Lincoln a mises à la paix entre les deux peuples. Jefferson Davis a