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s’évanouir. Voilà la bienveillance des rebelles pour leurs bons amis d’outre-mer, amis timides, j’en conviens, mais qui, pour récompense de leurs secrètes espérances et de leur demi-complicité, méritent mieux que la haine systématique qu’on semble leur avoir vouée à Richmond bien plus encore qu’à Washington. On ne songe plus maintenant à les flatter pour obtenir leur aide, encore moins à se donner à eux pour les forcer à prendre parti. Le président Davis a compris qu’il ne gagnerait rien à ramper devant l’Europe, et voilà les sentimens que cachait le rideau de flatterie officielle qui nous a si longtemps abusés.

Quant aux États-Unis, qui n’ont pour le présent aucun souci de la guerre européenne, le marché qu’on leur offre est aussi improfitable qu’inadmissible et incompatible avec leur dignité. L’assistance des populations décimées et des belles finances du sud serait d’un prix médiocre dans l’hypothèse même d’une guerre extérieure. Enfin n’est-il pas étrange, après quatre ans de luttes sanglantes pour le maintien de l’Union, de ne leur offrir en prix de la victoire qu’une vague promesse d’alliance, en leur demandant d’abandonner le principe et le nom national même pour lesquels ils ont combattu ? Ce n’est pas aux vaincus de faire la loi aux maîtres, et quand à la lettre du président Davis annonçant à M. Blair qu’il était prêt à négocier une paix entre les deux peuples le président Lincoln a répondu par la même voie détournée qu’il entendait rendre la paix au peuple de leur patrie commune, il était bien clair qu’il ne reviendrait pas sur cette parole. Les commissaires confédérés savaient donc ou devaient savoir ce qui leur serait proposé, et s’il y a insulte et arrogance, c’est plutôt du côté de ces vaincus qui veulent dicter aux vainqueurs les conditions de la paix qu’on leur accorde.

On dit aussi que M. Stephens a essayé d’une autre issue, non moins impraticable et non moins ridicule que la première. Il a fait entendre que les états confédérés reviendraient à l’Union en temps et lieu, si le gouvernement des États-Unis voulait d’abord reconnaître leur souveraineté individuelle absolue et leur droit inaliénable à la sécession ; ce qui revenait à dire : « Vous aurez gain de cause à la condition d’avouer que vous avez tort. » Admettre la souveraineté absolue des états, c’eût été non-seulement un acte indigne d’une nation qui a affirmé sa propre souveraineté dans cent batailles, mais la plus impolitique et la plus funeste des concessions. Cette clause purement théorique en apparence n’aurait pas tardé à ranimer le fléau proscrit des nullifications et des sécessions d’états, elle aurait fait une révolution dans le droit constitutionnel des États-Unis et rendu l’autorité nationale impuissante contre les fantaisies d’une rébellion nouvelle ? Ces prétendus compromis ne