« espérant les revoir sous de meilleurs auspices, » que même il avait dit : « Nous ne sommes qu’un seul et même peuple. » L’anxiété grandit quand on apprit que le président Lincoln, sur une dépêche du secrétaire d’état, était parti subitement pour Fortress-Monroë. La paix était-elle si proche ? Les plus incrédules se rendaient à demi, et l’on s’étonnait que sur cette grande nouvelle l’or n’eût pas soudainement baissé de 50 pour 100.
L’or, à vrai dire, faisait bien d’attendre. Le Herald, l’Express, les paradoxaux et les haussiers de la presse, avaient raison d’opposer à l’espérance générale leur moqueuse incrédulité. Le lendemain, négociations rompues ; — Lincoln et Seward s’en retournaient à Washington, disant tout haut que la paix n’était pas possible. Stephens et Hunter rentraient dans leurs lignes, et, suivant le lieu commun tant rebattu des journalistes, « Grant, Thomas et Sherman étaient redevenus les vrais commissaires et les vrais négociateurs de la paix. » Que s’était-il passé ? Maintes rumeurs avaient couru ; mais en attendant le message officiel que le président préparait pour le congrès, il fallait se contenter du fait laconique et des narrations de fantaisie qui couraient la presse. Les premiers détails nous arrivèrent de Richmond : à peine les négociateurs avaient-ils reparu dans la ville que tous les journaux en masse avaient ouvert à pleines bordées un feu préparé d’avance. Je ne puis vous décrire ce délire d’indignation calculée, ce déluge d’invectives et d’injures qu’ils se mirent à vomir, comme des batteries chargées jusqu’à la gueule que le canonnier allume au premier signal. On eût dit que le nord avait dévoilé au dernier moment des prétentions si inattendues, si odieusement exorbitantes, que l’ambassade avait reculé épouvantée. Lincoln, le tyran yankee, leur avait tendu un abominable guet-apens. Il avait refusé de reconnaître l’indépendance des états du sud, il avait exigé des rebelles un retour absolu et immédiat aux lois des États-Unis, poussant même l’insolence jusqu’à leur promettre, en cas de soumission, l’indulgence qu’on doit à des frères égarés, — l’indulgence des vils Yankees ! Les Yankees oser se dire les frères de la nation chevaleresque du sud ! Évidemment ce piège était calculé pour fournir à « l’ignoble Lincoln » et au « sanguinaire Seward » l’occasion de souffleter les nobles citoyens et le sublime peuple des états confédérés : outrage qu’il fallait laver dans le sang et venger par une extermination universelle de toutes les armées qui avaient osé violer la terre sacrée de la rébellion !
La fureur et l’injure ne dispensent pas de la logique. La veille, ces mêmes journaux, ce même Davis qui leur soufflait leur opinion, parlaient avec mépris de ces prétendues négociations qui ne serviraient qu’à montrer l’incorrigible arrogance de l’ennemi et la nécessité d’une guerre impitoyable. Aujourd’hui ils vocifèrent, ils