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renverser. Pourtant le nombre de ces partisans honteux de la paix a tellement grandi depuis les dernières défaites, ils ont élevé si haut la voix dans le congrès et dans la presse, que le gouvernement pouvait craindre qu’ils ne jetassent le masque. Davis, malgré sa dictature et l’appui assuré du général Lee, commençait à chanceler sur ce fauteuil présidentiel qu’on l’accuse d’avoir voulu changer en trône. L’ambassade de Stephens et de Campbell, sincère ou non, était évidemment conçue pour rallier à lui les mécontens et raffermir le pouvoir entre ses mains.

Ici toutefois revenaient les doutes. N’était-ce qu’une feinte, une ruse de guerre, comme le disaient les journaux de Richmond, et fallait-il prendre à la lettre cet article de la Sentinelle, qui, pour mieux déguiser la vérité, aurait pris le malin parti de la crier sur les toits ? Davis n’avait-il voulu que prendre les pacifiques dans leurs propres filets et adopter un instant leur politique pour les réduire ensuite au silence en leur démontrant l’impossibilité de leurs espérances ? Quand les commissaires confédérés ont traversé les lignes, les deux armées les ont acclamés avec enthousiasme, unissant dans un cheer pacifique leurs voix accoutumées aux provocations du cri de guerre ; mais il ne faut pas croire que l’armée rebelle, en saluant l’espoir de la paix, entendît applaudir la soumission. On a tant de fois répété aux hommes ignorans du sud que jamais on ne pourrait les vaincre, que jamais leurs ressources ne seraient épuisées, ni la nation confédérée subjuguée par le conquérant yankee, qu’ils ont fini par croire à sa durée et par s’imaginer que la paix leur assurerait cette indépendance qui maintenant serait vaine, mais à laquelle ils tiennent, comme on tient toujours aux hochets inutiles pour lesquels on a combattu. Davis, alors même que tout espoir et toute énergie l’auraient abandonné, ne pourrait pas sans transition avouer sa défaite à son peuple. Le flot populaire, soudainement arrêté, se rejetterait contre lui avec la fureur des réactions inattendues, et les commissaires pacifiques n’iraient à l’ennemi que sur le corps de l’auteur criminel et détesté de la rébellion, car les changemens soudains de politique amènent la ruine de ceux même qui les conseillent, et le peuple détrompé voit dans les anciens instrumens de sa folie les auteurs premiers de l’égarement qui l’a perdu : justice brutale, mais rigoureuse, à laquelle Davis ne peut échapper, s’il ne la conjure par les détours, les lenteurs, les mensonges prudens et bien ménagés qui peuvent amener son peuple du fanatisme de l’erreur à la vue calme et sensée de la vérité.

Cependant la première conférence avait eu lieu. On racontait que Stephens n’avait tenu partout qu’un langage de conciliation, qu’il avait pris congé des officiers chargés de le conduire en