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pareille conduite aboutirait à la plus déplorable des luttes, parce qu’elle serait la plus stérile. L’attitude et les inclinations du peuple américain doivent donc être prises par nous en sérieuse considération dans les combinaisons justes et censées que nous pourrons avoir à préparer à l’égard du Mexique ; mais dans l’acte décisif de notre politique mexicaine, il faut que nous prenions notre parti par des raisons bien manifestement françaises, et que nous m’ayons pas l’apparence, même fausse, de céder à des raisons américaines. C’est pour cela que nous eussions voulu, quant à nous, que l’initiative du gouvernement français dans la résolution du retour de nos troupes n’eût point attendu les remontrances du cabinet de Washington ; c’est pour cela que nous eussions mieux aimé voir décider ce rappel après une discussion et même un vote de la chambre des députés qu’après une correspondance diplomatique vive et serrée échangée pendant plusieurs mois entre les cabinets-de Washington et des Tuileries ; c’est pour cela enfin que nous plaçons encore notre espoir dans le patriotisme intelligent de nos chambres et au besoin de l’opposition libérale, et que nous faisons des vœux pour que les prochaines discussions parlementaires mettent en évidence la prépondérance des raisons purement françaises qui nous conseillent le prompt achèvement de notre expédition mexicaine.

C’est précisément pour que la question du Mexique fût débattue et décidée sur ce qu’on pourrait appeler ses propres mérites, en dehors de toute préoccupation de controverse avec les États-Unis, que nous eussions désiré que le gouvernement eût fait aux chambres d’amples communications de documens touchant les affaires mexicaines. Nos vœux sur ce point, nous le constatons à regret, n’ont pas été exaucés. Les rapports ministériels sur la situation de l’empire ne nous offrent aucun renseignement instructif sur notre position au Mexique. Le rapport du ministre de la guerre se contente de présenter des événemens militaires un récit fort vague et très court, où l’on ne peut recueillir aucun élément d’appréciation vraiment politique. On dirait un de ces résumés sommaires dont se composent les précis historiques écrits à l’usage des établissemens d’instruction primaire. L’empereur, dans son discours d’ouverture, nous a donné, à nous, un motif d’espérance tout en adressant aux États-Unis une amicale flatterie, en signalant une certaine analogie entre nos institutions et celles de l’Amérique. Cette comparaison autoriserait de curieux rapprochemens. Au début de sa dépêche importante du 16 décembre 1865, M. Seward prend grand soin d’indiquer la part qui appartient au congrès dans l’affaire mexicaine. « Ce n’est pas le seul département exécutif de ce gouvernement, se hâte-t-il de dire, qui soit engagé et intéressé dans la question de savoir si l’état de choses qui existe au Mexique doit être continué. Il s’agit là d’un intérêt national, et à tout événement le congrès aujourd’hui réuni en session est autorisé à diriger législativement l’action des États-Unis relativement à cette importante affaire. » Cette sollicitude à réserver et à provoquer l’autorité