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savait que les juges, soit par corruption, soit par peur, acquitteraient le coupable. C’est à cette impunité et à la lâcheté des juges que le Mexique doit l’envahissement du brigandage, qui démoralise la nouvelle génération. Le misérable était couvert de haillons ; pourtant il offrit 2,000 francs pour le rachat de sa vie. Il avait un banquier ! Pendant cinq jours, les paysans de tous les environs vinrent en procession au pied de l’arbre où se balançait le corps du bandit, et afin de se bien convaincre de son identité et de son trépas ils montaient aux branches pour le toucher eux-mêmes.

La ville d’Ozuluama, sur le faux bruit de la victoire de Carbajal, s’était de nouveau prononcée en faveur des juaristes. L’alcade, suivi de tous les notables, vint à la rencontre du colonel Du Pin lui offrir un acte d’adhésion couvert de signatures. Les habitans furent désarmés et payèrent une forte contribution de guerre. Le soir, une salve de coups de canon apprit à la Huasteca que sa ville la plus rebelle avait fait sa soumission, et dans les premiers jours de mai 1864 la contre-guérilla rentrait à Tampico.

Les drapeaux pris au combat de San-Antonio et les deux esmeriles furent envoyés au quartier-général de. Mexico. Le succès obtenu par la contre-guérilla produisit une vive sensation. Le général en chef adressa au colonel Du Pin des complimens mérités, et signala par un brillant ordre à l’armée la journée de San-Antonio. Plusieurs récompenses arrivèrent à temps pour adoucir les derniers momens de blessés mortellement atteints. Le capitaine Du Vallon, nommé chevalier devant Puebla, était fait officier de la Légion d’honneur à vingt-huit ans. Le séjour de Tampico lui était funeste : aux deux balles qui lui avaient troué de part en part la poitrine s’était jointe la dyssenterie. Il fut embarqué sur la Dryade pour retourner en Europe. Son départ de Tampico, où pendant son court commandement supérieur son caractère lui avait concilié l’estime générale, fut accompagné de vifs regrets. Quand on le transporta sur le fleuve, il n’était déjà plus que l’ombre de lui-même. Malgré les soins qui lui furent prodigués par les officiers de marine pendant la traversée, malgré sa mâle énergie, la fièvre l’emporta. Il mourut à la hauteur de La Havane.

La défaite de Carbajal avait profondément déconcerté le parti hostile de Tampico, qui avait fondé de grandes espérances sur la destruction de la contre-guérilla pour tenter un pronunciamiento et rendre le port aux autorités juaristes, dont les besoins d’argent devenaient plus impérieux que jamais à mesure qu’elles étaient refoulées des principaux centres. Les libéraux n’avaient pu croire qu’une troupe s’élevant à moins de trois cents hommes pénétrerait dans la Huasteca et en sortirait victorieuse de contingens dont la