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si importante pour le commerce du Haut-Mexique où fût arboré le drapeau français. D’autres signes plus inquiétans révélaient les tendances de l’esprit public. En plein jour, on coudoyait dans les cafés et sur les places des chefs de guérillas bien connus, qui, tout en ayant accepté les profits de l’amnistie, n’avaient pas renoncé à leur projet de soulèvement. En attendant une occasion favorable, ils agissaient en secret dans la place même. La nuit, plusieurs de nos soldats avaient été frappés dans l’ombre. M. de Saint-Charles, chancelier du consulat de France, qui avait toujours fait preuve d’énergie dans un poste vraiment dangereux, avait vu sa vie menacée. Ces faits alarmans se compliquèrent bientôt de tentatives d’agression qui se produisirent au sud comme au nord du Tamaulipas.

Au sud, entre Vera-Cruz et Tampico, à cinquante lieues environ de ce dernier point, se trouve sur le golfe du Mexique le port de Tuxpan, où l’on arrive par mer en remontant six milles de rivière. Depuis deux années, c’était le port libéral, où venaient débarquer les chargemens d’armes et de munitions expédiés des États-Unis-et de la Havane à l’armée juariste. A peine le colonel mexicain don Manuel Llorente en avait-il pris possession au nom de la régence de Mexico, que le général Carbajal, attaché à la cause républicaine, réunissant à lui toutes les troupes disponibles, était accouru pour l’en chasser. Le colonel Llorente, poursuivi sans trêve, s’était réfugié, avec trois cents hommes restés fidèles à son drapeau, dans Temapache, village de la Huasteca[1]. Au mois d’avril 1864, tous les centres les plus importans de cette région étaient au pouvoir des libéraux : c’étaient les villes de Huejutla, Tancanhuitz et Ozuluama. Le général Carbajal, les commandans Pavon et Canales y guerroyaient au nom de la république avec des forces régulières et avaient fait appel à tous les contingens voisins pour la défense du sol national, foulé aux pieds par les envahisseurs. Le colonel Llorente ne tarda pas à être assiégé dans Temapache, et un courrier vint en son nom à Tampico supplier les Français de courir à son secours pour sauver l’honneur du drapeau de l’intervention déployé dans la Huasteca ; mais outre les guérillas qui cernaient Tampico, outre les douze cents soldats de Carbajal, devenu le maître de la Huasteca, une force non moins imposante se concentrait d’un autre côté, prête à se jeter sur Tampico dès que cette ville serait dégarnie de troupes.

Sur la droite, à 60 lieues plus au nord et à 50 lieues dans les

  1. La Huasteca est la contrée des terres chaudes comprise entre le port de Tuxpaa « t le fleuve du Panuco. C’est un pays accidenté, couvert d’épaisses forêts dont la. Végétation est si vigoureuse que les murailles de verdure qui bordent les chemins sont impénétrables. C’est le terrain le plus difficile de tout le Mexique, par conséquent le plus propice à la guerre de partisans.