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toujours. Ce qu’elle a de mieux à faire, c’est de s’approprier aux circonstances, sans révolution brusque et radicale, comme sans routine aveugle et obstinée. Tout le monde peut semer, un peu moins de blé et un peu plus de fourrages, sans bouleverser de fond en comble l’atelier agricole. Que dis-je ? non-seulement on peut le faire, mais on le fait ; certainement on a réduit les emblavures cette année à cause de la baisse, de même qu’on les avait étendues pendant la hausse. Il en a toujours été ainsi. Le blé est à bon marché aujourd’hui parce qu’il était cher il y a quatre ans ; il sera cher un jour ou l’autre parce qu’il est à bon marché aujourd’hui. Ainsi va la production, se réglant sur le débouché.

Pour le vin, la baisse actuelle a un autre caractère ; le vin était réellement trop cher depuis dix ans, il rentre dans son prix naturel. L’exportation, de même que la consommation intérieure, ne peut prendre de nouveaux développemens qu’à cette condition : pour que la France vende à l’Europe ce qu’elle doit lui vendre, il faut que le prix du vin de bonne qualité ne dépasse pas 25 francs l’hectolitre chez le producteur. À ce prix, les vignerons peuvent encore faire des bénéfices, et la consommation peut s’étendre indéfiniment, pourvu que l’impôt ne vienne pas trop contrarier cette expansion, soit en France, soit à l’étranger. Améliorer leur fabrication sans trop élever leurs prix et lutter contre les entraves de l’impôt, tel est le double but que doivent se proposer nos viticulteurs.

Au surplus, la baisse sur les blés et sur les vins aura eu ce bon résultat, qu’elle a tiré les intérêts agricoles de la torpeur où ils sommeillaient. L’agitation qui s’est déclarée dans les sociétés d’agriculture, et qui a gagné jusqu’aux conseils-généraux, a pu s’égarer dans les chimères du système protecteur ; elle n’en est pas moins un bon signe. Ce grand pays reprend goût à ses affaires, il sort de sa mort civile volontaire sous un souffle de liberté. Le gouvernement a compris la nécessité de céder à ce réveil ; après avoir refusé une enquête publique sur l’état de l’agriculture, il vient de l’accorder. Les enquêtes se multiplient depuis quelque temps ; ceux qui croient à l’efficacité de la discussion ne peuvent qu’y applaudir. Tous les intérêts et toutes les opinions vont se faire entendre ; la vérité jaillira du choc, comme elle a jailli en 1860 de l’enquête sur l’échelle mobile. Ce n’est plus seulement le système douanier qui est en jeu, c’est tout l’ensemble des questions qui se rattachent au développement agricole. Il faut qu’on sache pourquoi la France est, de tous les pays de l’Europe occidentale, celui où l’agriculture a fait le moins de progrès. La petite question du droit fixe n’est qu’un des moindres détails de cet immense problème qui embrasse toute notre organisation civile, politique et économique.

Pour nous, la question capitale, nous avons à peine besoin de le