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remarquer, ajoutions-nous, que le tiers au moins de cette immense exportation se fait en farines, c’est-à-dire qu’au profit agricole vient se joindre le profit industriel, et que les issues, si précieuses pour la nourriture du bétail, restent en France, sans diminuer le bénéfice en argent. » C’est encore ce qui est arrivé et ce qui paraît même devoir prendre de plus grandes proportions, car l’exportation de nos farines va toujours en croissant.

Il se peut qu’on se soit attendu à une exportation plus forte ; telle qu’elle est, elle réalise ce que nous avions annoncé. Que ce soit là son dernier mot, nous ne le pensons pas. Soit en 1864, soit en 1865, l’Angleterre nous a acheté la moitié environ de ce que nous avons vendu à l’extérieur ; le reste va en Belgique, en Suisse et en Allemagne. On a quelque peine à croire que l’Angleterre s’en tienne là. Une circonstance particulière a réduit ses demandes dans ces dernières années. Avant la guerre civile, les États-Unis n’envoyaient de blé en Europe que dans les temps de cherté ; en temps ordinaire, le sud, qui ne produisait pour ainsi dire que du coton et du tabac, consommait les blés produits par le nord ; pendant la guerre, les blés du nord n’ont plus trouvé leur écoulement vers le sud, et ils ont reflué sur l’Europe en quantités énormes. C’est ce qui explique ces avalanches de grains qui se sont précipitées sur l’Angleterre à travers l’Atlantique en 1863 et 1864 ; mais, depuis que la guerre est finie, tout a changé, et ces envois, qui ont fait aux nôtres une rude concurrence, se sont arrêtés. L’ordre naturel se rétablit, les prix ont remonté à New-York, et l’Angleterre reprend ses achats en Europe.

On dirait, à entendre certaines clameurs, que l’importation des céréales est un fait nouveau et sans précédent. On a importé des blés en tout temps, et pendant les quarante ans qu’a duré le régime de l’échelle mobile, les importations ont excédé les exportations, tout compte fait, de 40 millions d’hectolitres. Jamais on n’avait moins importé de blé étranger à Marseille que dans le moment présent, et l’inutilité radicale du mécanisme compliqué de l’échelle mobile n’a jamais été plus clairement démontrée.

Les détracteurs de la liberté du commerce se servent comme d’un argument décisif de la récolte de 1865, qui a été au-dessous de la moyenne, surtout dans le midi. « Voilà, disent-ils, un fait nouveau ; la récolte est médiocre, et les prix ne remontent pas ! » Le fait n’est pas si nouveau qu’ils le prétendent. Qu’on revienne encore aux prix d’autrefois, et on verra qu’une seule récolte n’a jamais suffi pour exercer une action sensible sur les prix, soit en hausse, soit en baisse. Il en faut au moins deux à cause des excédans qui restent dans les greniers et qui s’écoulent peu à peu. Nous vivons au moins autant