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baisse sur le blé. Après une mauvaise récolte, la hausse n’est pas seulement nécessaire, elle est bonne, pourvu qu’elle n’aille pas trop loin, en ce sens qu’elle empêche la ruine du producteur, qui retrouve sur le prix ce qu’il perd sur la quantité ; après une récolte abondante, la baisse n’est pas seulement nécessaire, elle est bonne, pourvu qu’elle ne soit pas excessive, eh ce sens qu’elle fait profiter le consommateur des bienfaits de la Providence sans nuire aux intérêts légitimes du producteur. Tout ce qu’on a promis en établissant la liberté du commerce des grains, c’est que, par le libre jeu de l’importation et de l’exportation, on préviendrait l’excès de la hausse et l’excès de la baisse plus sûrement que par le jeu intermittent de l’échelle mobile, et les faits ont répondu dans ce sens.

Nous avons eu, depuis 1861, deux périodes, l’une de disette, l’autre d’abondance. Nous avons vu, dans la première, l’importation s’accroître et l’exportation se réduire d’elles-mêmes ; nous avons vu, dans la seconde, l’effet contraire se produire, l’importation décroître et l’exportation se développer spontanément : tout s’est passé comme on l’avait annoncé d’avance, sans l’intervention d’aucun agent artificiel. « Mais, dit-on, l’exportation agit en temps de baisse avec moins d’énergie que l’importation en temps de hausse, et ce qui le prouve, c’est que la hausse a été arrêtée en 1861, tandis qu’aujourd’hui la baisse ne l’est pas. » Cet argument serait fondé, qu’il n’atteindrait pas ceux qui avaient demandé un droit fixe plus élevé ; mais il ne faut pas le grossir et s’en faire une arme contre le régime tout entier.

Prenons les faits tels qu’ils sont. En 1861, la hausse n’a pas dépassé 25 francs l’hectolitre en moyenne, et en 1865 la baisse n’a pas dépassé 16 francs. Il y a eu sans doute des points où les prix ont monté plus haut en 1861, et d’autres où ils sont descendus plus bas en 1865 ; mais nous ne pouvons raisonner que sur des moyennes. Or, si nous remontons dans le passé, nous trouvons des années où la hausse a excédé la limite de 1861, et d’autres où la baisse a excédé la limite de 1865. En prenant pour point de départ 1820, le prix moyen a dépassé quatre fois, dans cette période de quarante années, 25 francs l’hectolitre.


1847 29 fr.01 cent.
1854 28 fr.82
1855 29 fr.32
1856 30 fr.75

Dans le même laps de temps, le prix moyen est tombé sept fois au-dessous de 16 francs.