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L'AGRICULTURE
EN 1865

Les années 1864 et 1865 marquent une phase nouvelle dans l’histoire de notre économie rurale. Pendant les dix ans qui ont précédé 1864, les principaux produits de l’agriculture avaient haussé dans une proportion inquiétante pour les consommateurs. Le prix moyen du blé était monté à 30 francs l’hectolitre en 1856, et après une baisse en 1858 et 1859 s’était relevé à 25 francs en 1861 ; en même temps le prix du vin avait au moins doublé, celui de la viande et des autres produits animaux, comme le beurre, les œufs, les volailles, avait suivi une hausse plus lente, mais graduelle. Dans ces deux dernières années au contraire, et notamment en 1865, le prix moyen du blé est retombé à 16 francs l’hectolitre ; le vin a baissé de près de moitié, et si le prix de la viande n’a pas précisément diminué, il a du moins cessé de monter. De là une crise en sens inverse qui soulève des plaintes générales de la part des producteurs. Ces plaintes s’élèvent surtout dans le midi, où les blés et les vins sont les principaux et presque les uniques produits ; mais elles retentissent aussi dans le nord, que la variété de ses cultures n’a pas mis complètement à l’abri.

La première pensée des agriculteurs atteints dans leurs intérêts a été de s’en prendre à la législation nouvelle établie en 1861 et à l’ordre d’idées qu’on a l’habitude de désigner sous le nom de libre échange. Il était facile de s’y attendre, car notre public agricole s’est laissé si longtemps leurrer des chimères du système protecteur, qu’il ne peut pas y renoncer en un jour ; mais ce n’en est pas moins une erreur profonde, et qui peut avoir de funestes effets en détournant les esprits de la recherche des véritables causes.