volontiers pour s’en débarrasser le lendemain, et sans vue plus lointaine que l’usage immédiat qu’ils en vont faire. Lorsqu’ils reçoivent du papier confédéré, ils reçoivent non pas le vingtième, le quarantième, le centième ou toute autre fraction du dollar d’or, mais simplement l’instrument d’échange légal qui circule sur leurs marchés. Peu importe donc si l’or est à 65 ou à 30 contre un ; ces variations n’indiquent ni catastrophe, ni résurrection des finances rebelles, mais simplement les vicissitudes d’une spéculation passagère et l’abondance ou la rareté momentanée du métal précieux. Passé certaines limites, il n’y a plus entre le crédit et les espèces de rapport ni de proportions possibles. Il y a longtemps que la monnaie confédérée les a dépassées, et qu’elle n’est soutenue au milieu de la banqueroute vingt fois consommée que par le cours forcé et par l’isolement de la guerre.
C’est ainsi que des spéculateurs habiles et audacieux pêchent dans les eaux troubles et trafiquent honteusement de la misère publique. S’ils craignent beaucoup la prise dont les croisières fédérales menacent toujours leurs vaisseaux, ils trouvent à Nassau et en Angleterre des compagnies d’assurance qui partagent avec eux le risque et le bénéfice. Cependant, à mesure que le blocus se concentre et que les principaux ports de la confédération sont occupés par l’ennemi, ce commerce devient plus difficile et plus dangereux. La prise du fort Fisher, en fermant Wilmington aux blockade-runners, leur a porté un coup irréparable. Il y a dans Nassau d’immenses cargaisons destinées aux états du sud, et qui maintenant, faute d’issue pour y pénétrer, devront être expédiées au marché de New-York. M. Singleton dit que la ruine de Wilmington est une perte insignifiante, amplement compensée par la reprise inattendue du commerce de Charleston en dépit des bombes et des escadres fédérales ; mais je me défie un peu des jugemens trop favorables d’un peace-democrat presque complice des rebelles, et de ses propos encore moins impartiaux que ses jugemens. Singleton, comme tous ceux qui veulent la paix à tout prix, essaie de faire croire à l’éternité de la guerre et à la puissance toujours entière de la confédération du sud. Autant écouter et croire un émissaire de Jefferson Davis que de prendre au mot Singleton sur ce qui touche la grandeur et la force de ses bons amis du sud. Bien que son voyage même et sa mission semi-officielle de négociateur, ou plutôt d’éclaireur pacifique, envoyé pour reconnaître le terrain de l’ennemi, montrent combien la cause de l’Union a gagné depuis l’an dernier, et quel rapprochement d’espérances patriotiques s’est opéré entre l’administration républicaine et les démocrates, même les plus acharnés, il n’a pas assez dépouillé le vieil homme pour n’être pas soupçonné d’un