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HUIT MOIS
EN AMÉRIQUE
LETTRES ET NOTES DE VOYAGE
1864 — 1865

X.
UNE VISITE A L’ARMEE DU POTOMAC.


27 janvier 1865.

Je suis depuis trois jours à l’aimée du Potomac[1]. La veille de mon départ de New-York, le général de Trobriand, qui malgré sa longue naturalisation américaine n’a pas cessé d’être le plus français des hommes, revenait dans sa famille passer dix jours en congé. Il m’invita à l’aller voir à son quartier-général, à l’extrême gauche de l’armée de Grant. Je savais que les deux armées étaient dans leurs quartiers d’hiver, et que sauf une canonnade quotidienne à l’extrême droite, du côté de Dutch-Gap, sur les lignes de cette armée du James dont Butler vient d’être dépossédé, on semblait avoir fait la convention tacite de ne pas brûler une amorce avant que le temps de l’action fût venu. Le seul ennemi qu’on rencontre en ce moment au camp du général Grant est un froid vif et clair, qui enferme le soldat grelottant sous la tente et m’engourdit les doigts sous mes gants fourrés. Depuis quelques mois, les gens les plus pacifiques, des femmes même, y sont venus, et il a fallu un ordre exprès du général en chef pour empêcher les officiers d’y installer leurs familles. J’ac

  1. Voyez la Revue du 15 janvier.