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roi très chrétien et défendre son royaume. Les Italiens demandaient surtout que la régente ne cherchât point dans cette ligue un moyen d’obtenir plus tôt de l’empereur intimidé la délivrance du roi son fils à des conditions qui seraient moins onéreuses pour lui, mais qui deviendraient fatales pour eux. « La régente peut tout espérer, disaient-ils, d’une union perpétuelle avec l’Italie » tandis qu’un accord avec l’empereur laisserait la France comme asservie et à la discrétion de son ennemi. » Les négociations se poursuivaient en ce moment avec un tel concert, on avait de si grandes espérances de les mener à bonne fin, on se croyait si près d’agir avec des forces irrésistibles, que, dans sa confiance et dans sa joie, le dataire Giberto, dont le cœur était tout italien, s’écriait : « Il me semble voir se renouveler le monde, et, d’une extrême misère, l’Italie arriver à une très grande félicité[1]. »

Tout marchait. La levée des Suisses se ménageait en secret. Les Vénitiens se mettaient en armes. Le traité de la France et de l’Angleterre, recommandé par Clément VII, allait se conclure. Selon le désir de Pescara, le pape avait été consulté pour savoir comment il pourrait, sans encourir de blâme, quitter le service impérial et accepter les offres qui lui étaient faites au nom de la ligue italienne. Morone avait établi subtilement que Pescara ne mériterait aucun reproche et ne s’exposerait à aucune honte en servant contre l’empereur dans le royaume de Naples, pourvu qu’au préalable il eût renoncé à tous les offices qu’il tenait de lui et eût quitté le commandement de son armée. Il avait donné par écrit à Pescara toutes les raisons qui lui permettaient de trahir son souverain avec honneur, qui devaient l’induire à monter sur un trône usurpé par patriotisme, et qui l’obligeaient à déférer au vœu du pape par obéissance. Pescara cependant ne se tint pas pour persuadé. Il prétendit qu’il avait besoin, avant de se décider, de consulter un de ses amis, docteur napolitain, sans l’avis duquel il n’entreprenait rien d’important. Il voulait connaître ce que pensait ce casuiste des devoirs difficiles dans les positions délicates, parce qu’il avait à cœur, disait-il, de pouvoir se justifier à tout événement[2].

Pescara semblait sincère dans ses hésitations. On eût dit qu’il flottait entre les scrupules de la fidélité et les convoitises de l’ambition. Il n’en était rien pourtant. Dès le premier moment, il avait pris son parti. En lui, l’Espagnol l’avait emporté sur l’Italien, le

  1. « Provedendo, come si aspetta, mi par di veder rinovare il mondo, et da una estrema miseria, Italia cominciare à tornare in grandissima félicità. » Lettre de Giberto à Ghinucci. — Lettere di principi, t. Ier, f° 169 v°.
  2. Lettre de Pescara à l’empereur du 30 juillet 1525. — Archives impériales et royales de Vienne, et confession écrite de Gir. Morone dans les Ricordi, etc., p. 148-179.