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Tandis que se négociait ce traité qui devait faire passer le roi Henri VIII d’une alliance à l’autre, des projets bien autrement graves s’agitaient en Italie. Ces projets, s’ils réussissaient, devaient amener une confédération de tous les états italiens, enlever aux impériaux le Milanais, déposséder les Espagnols du royaume de Naples et anéantir la domination de Charles-Quint dans toute la péninsule. Les Italiens avaient constamment nourri la pensée de se délivrer des peuples étrangers qu’ils appelaient les barbares, et qui avaient successivement pénétré chez eux à partir de l’invasion de 1496. N’étant pas assez forts ni assez unis pour le faire tout seuls, ils se servaient des étrangers les uns contre les autres. Ils avaient d’abord tenté d’expulser les Français, qu’ils redoutaient particulièrement à cause de leur prétention sur le royaume de Naples et de la possession du Milanais, qui n’était un moment perdu par eux que pour être repris de nouveau. A l’aide des Espagnols et des Suisses, ils en avaient chassé Louis XII ; à l’aide des Espagnols et des Allemands, ils venaient d’en chasser François Ier. Le pape Jules II s’était mis à la tête de la ligue contre le premier de ces princes, le pape Léon X contre le second. La dépossession des Français paraissant définitive, puisque leurs armées avaient été si souvent contraintes d’évacuer l’Italie à la suite de défaites répétées dont la dernière avait été une catastrophe, le danger qui menaçait les états italiens ne venait plus que du côté des Espagnols. Le prévoyant Clément VII et les habiles Vénitiens l’avaient compris de bonne heure, puisque, sans s’unir à François Ier, déjà moins redouté, quoiqu’il n’eût pas encore été battu, ils s’étaient séparés de Charles-Quint, dont ils pressentaient les succès et craignaient les agrandissemens ; mais, en se séparant de lui ils n’avaient ni empêché sa victoire, ni prévenu sa domination. Cette domination s’exerçait violemment dans la haute Italie. Répandus sur le territoire du Milanais, dont le duc Francesco Sforza était le souverain annulé, occupant les pays de Plaisance et de Parme, qui appartenaient au saint-siège, les impériaux vivaient à discrétion dans la péninsule assujétie qu’ils avaient mise à rançon[1]. Le désir de se soustraire à cette onéreuse dépendance avait été si prompt que, vingt jours après la bataille de Pavie, le pape, les Vénitiens, les Florentins, les seigneuries de Sienne, de Lucques et de Mantoue songeaient à faire avec le duc de Milan une ligue pour la défense et les libertés de

  1. Lettre de l’évêque de Bath, ambassadeur d’Angleterre auprès du saint-siège, écrite le 6 avril 1525 de Rome au cardinal Wolsey. — Ellis, Original Letters, 2e série, t. 1er, p. 318 à 321.