destinée des Tcherkesses une responsabilité que chacun, après l’événement, est bien aise de décliner. Quoique les élémens de solution mis au jour jusqu’à présent soient incomplets ou contradictoires, je vais essayer, en les rapprochant les uns des autres, de jeter quelque jour sur le caractère des faits dont le tableau vient de passer sous nos yeux. Quel est le nombre des populations du Caucase occidental qui, dans la dernière guerre, ont quitté leurs foyers pour émigrer sur le territoire ottoman ? Quel est le chiffre de la mortalité, et par suite combien ont échappé à ce grand désastre et survivent aujourd’hui ? On conçoit de prime abord que l’émigration, s’étant opérée à différentes époques, et en dernier lieu par groupes énormes, au milieu d’une inexprimable confusion et d’une manière inattendue, n’a pu être contrôlée par le gouvernement russe ni par celui de Turquie. Comme tous les calculs sont énoncés en chiffres ronds, il est incontestable qu’on ne doit les prendre que comme des évaluations plus ou moins exactes, comme des appréciations personnelles : un seul, celui qui est donné dans la lettre écrite de Théodosie au Journal de Constantinople, va, en se fractionnant, jusqu’aux simples unités ; mais ce calcul, examiné de près, ne paraît être qu’une approximation d’une valeur relative, comme les autres, subordonné aux mêmes impossibilités matérielles de contrôle. Dans les chiffres qui ont été produits, on remarque un écart variant entre les limites extrêmes de 1 à 4, les uns comptant au minimum 100,000 émigrans, les autres 400,000 au maximum[1].
Au milieu de ces divergences et de ces incertitudes, il est d’autant plus nécessaire de chercher la vérité ou du moins la probabilité qu’ici tous les faits s’enchaînent, et qu’aux investigations de la statistique se rattache, comme corollaire, une suite d’inductions morales et historiques. On doit se rappeler que M. de Fadeief, qui a pris une part active à la guerre contre les Tcherkesses et qui par conséquent a été à même d’être parfaitement renseigné, raconte qu’au début de cette guerre les tribus hostiles du Caucase occidental constituaient un total de 405,000 âmes. Plus loin, le même écrivain nous apprend que dans la première moitié de 1864, c’est-à-dire dans
- ↑ Je transcris ici ces chiffres, parce que chacun d’eux a un sens déterminé par la source d’où il émane :
Le ministre de la guerre à Saint-Pétersbourg (dépêches de lord Napier des 19 et 23 mai 1864) 100,000 Lord Napier, d’après ses propres calculs (ibid) 150,000 Le Times, et d’après cette feuille le Free Press et tous les autres journaux anglais 300,000 La lettre écrite de Théodosie, 318,068, et antérieurement 80,000, ce qui fait en nombre rond (ibid, et dans la réfutation de cette lettre par M. Barozzi) 400,000