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Charles-Quint, devenue oppressive pour les uns, alarmante pour les autres. Elle avait de nouveau envoyé auprès de Henri VIII et du cardinal Wolsey J.-Joach. Passano et le président Brinon, qui avaient été sur le point de réussir dans leur précédente négociation. Elle espérait, non sans raison, qu’avec des offres d’argent un peu plus fortes et sans aucune cession de territoire elle parviendrait à rompre l’alliance déjà ébranlée de Henri VIII et de Charles-Quint, et à donner le roi d’Angleterre pour appui à la France.

Les négociations se poursuivirent jusqu’à ce que l’accord fût conclu, l’avide ministre de Henri VIII cherchant à obtenir le plus d’argent et les plénipotentiaires de la régente à en promettre le moins qu’il se pourrait. Il fut enfin stipulé que le roi d’Angleterre recevrait de la France 2 millions de couronnes, dont 50,000 un mois après la publication du traité de paix, et 100,000 tous les ans en deux termes qui échoiraient au 1er novembre et au 1er mai. Ces 100,000 couronnes devaient être payées au roi sa vie durant. Afin de mieux assurer l’acquittement annuel de cette pension, le roi d’Angleterre ne se contenta point de la ratification de la régente ; il exigea l’approbation des parlemens de Paris, de Rouen, de Toulouse, de Bordeaux. Il demanda de plus des engagemens de la part des principales villes, comme Paris, Rouen, Toulouse, Lyon, Bordeaux, Amiens, Tours, etc., et de la part des seigneurs les plus considérables, tels que le duc de Vendôme, le cardinal de Bourbon, le comte de Saint-Paul, le maréchal de Lautrec[1]. À ces conditions le traité fut signé et une ligue défensive conclue[2]. Wolsey, qui de son côté rentra en jouissance de sa pension et dut même en toucher les arrérages, dit alors aux ambassadeurs de la régente « que le roi son maître et lui avaient trouvé les Espagnols en leur prospérité plus ingrats et superbes que nation qu’ils eussent jamais pratiquée[3]. » Il leur fit même concevoir des espérances qu’ils communiquèrent à leur cour. « Le cardinal d’York, ajoutèrent-ils en écrivant à la duchesse d’Angoulême, se propose de faire autres grandes choses qui aideront à la libération du roi notre maître, au grand profit et honneur de vous, madame, de tout le royaume, et à l’humiliation et dépression de l’élu empereur[4]. »

  1. Lettres du président Brinon et de J.-Joach. Passano à la régente, des 29 et 31 juillet, 18 août, 3 septembre, 30 octobre, dans les Archives de l’empire, sect. hist., J. 965, liasse 3, n° 1, 2, 3, 4, 6.
  2. Le traité est du 30 août 1525, la ratification de la régente du 25 septembre, celle de François 1er du 27 décembre, dans Turner, t. Ier, p. 463 ; dans Rymer, p. 113.
  3. Lettre de Brinon et de J.-J. Passano du 29 juillet 1525. — Ibid., n° 4.
  4. Le 20 octobre, les ambassadeurs de la régente eurent une entrevue avec Henri VIII, qui leur dit « qu’il avoyt toujours veu les Françoys vrays et loyaulx à leur prince, et que depuis ceste dernière victoire l’expérience en a esté faicte plus grande que jamais, car le roy prins, un des plus grands princes de France son ennemy, tous les princes chrétiens animés contre le royaulme, il ne s’est trouvé prince, seigneur ne homme de nom en France qui ait branlé, chose singulière et admirable par tout le monde. » Lettre du 30 octobre 1525, ibid., n° 6.