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cavalcade, vinrent le visiter. François Ier les reçut avec la plus aimable courtoisie : il s’entretint gaîment avec elles et leur dit que rien n’avait autant de prix pour lui que leur agréable visite[1].

Le jour suivant, il alla à la messe dans la principale église de Barcelone, au milieu d’une immense foule avide de le voir et sensible à la grandeur de son courage comme de son malheur. Le vice-roi de Naples et le capitaine Alarcon l’accompagnaient avec beaucoup de caballeros soit de la cité, soit de la flotte. Le roi traversa Barcelone entouré des hallebardiers du vice-roi et suivi d’une compagnie de soldats armés d’escopettes et de piques ; l’église avait été ornée de riches tentures, éclairée d’une éblouissante quantité de lumières, et près du maître-autel, du côté de la sacristie, se trouvait sous un dais un siège placé pour François Ier : il s’y tint à genoux pendant la plus grande partie de la messe, ayant derrière lui le vice-roi de Naples, Alarcon et quelques grands seigneurs. Après les offices, pendant lesquels on n’omit aucune des cérémonies qui sont d’usage avec les rois, il sortit de l’église, monta à cheval et se rendit dans le palais archiépiscopal, qu’il quitta le lendemain pour s’embarquer de nouveau et faire voile vers Valence. Il y trouva le même accueil. Il alla au palais royal, où il visita sa parente, la reine Germaine de Foix. De là, il fut conduit dans les montagnes des Morisques, à Benisano, qui appartenait à don Geronimo Cabanillas, gouverneur de Valence ; c’était un lieu fort agréable, propre à la chasse, dont il prit le divertissement, toujours en compagnie d’Alarcon et de ses gardes. Il y resta pendant quelque temps dans une anxiété croissante par suite du silence prolongé que gardait à son sujet l’empereur.

Charles-Quint était à Tolède, tenant les cortès de Castille et songeant à recommencer la guerre, lorsqu’il apprit le débarquement en Catalogne du prisonnier qu’il avait ordonné de transporter à Naples. Il en fut étonné. L’on remarqua que, contre son usage, il jura par l’ordre de la Toison d’or que le roi avait été conduit en Espagne sans son commandement et à son insu[2]. A la surprise qu’il en éprouva se joignit le vif mécontentement de ses généraux en Italie. Ceux-ci ressentirent comme un affront le changement de résolution que le vice-roi de Naples avait décidé tout seul, et dont il ne les avait pas même prévenus. Le duc de Bourbon s’en plaignit

  1. Commentarios de los hechos del señor Alarcon, etc., por don Antonio Suarez de Alarcon, in-fol., Madrid 1665, p. lib. 10, f. 300, col. 1.
  2. Lettre du 21 juin 1525 d’Andréa Navagero, ambassadeur de Venise auprès de Charles-Quint. — Della vita e delle opere di Andrea Navagero, da Emm. Ant. Cicogna dans delle Inscrizioni Venisiane, fascicolo 22 ; grand in-4o, p. 177,-col. 1 et note 50 de la page 238.