Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/571

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec l’empereur, s’imaginant qu’ils arrangeraient ensemble tous leurs différends et établiraient entre eux une solide amitié. Lannoy souhaitait, aussi faciliter cette union, qu’il croyait praticable de près, impossible de loin, et de plus il redoutait le climat de Naples pour son précieux prisonnier pendant les mois de juillet, d’août et de septembre[1]. Il se rendit donc aisément au vœu de François Ier, et, sans consulter les autres chefs impériaux, sans prévenir même l’empereur, au mépris des uns, à l’insu de l’autre, il changea tout seul ce qui avait été arrêté en commun. Le 8 juin 1525, il conclut à Porto-Fino, avec le maréchal de Montmorency, un accord en vertu duquel six galères françaises se joindraient aux galères espagnoles et l’aideraient à transporter sans risque François Ier à Barcelone. Il ne devait y avoir aucune hostilité de part ni d’autre soit durant le trajet, soit quinze jours après que les deux flottes seraient revenues sur les côtes d’Italie et dans les ports de France[2]. Lannoy plaça des soldats espagnols sur les vaisseaux français, et un peu avant de mettre à la voile il écrivit du port de Villefranche à l’empereur : « Sire, nous avons vingt galères bien armées et suis bien asseuré du reste de l’armée de mer de France, qui ne nous fera aucun empêchement. Je vous amène le roi, ce qui, j’en suis certain, vous sera chose agréable, car il ne tiendra qu’à votre majesté de promptement achever ses affaires[3]. » Il monta lui-même sur le navire qui avait été disposé avec soin pour recevoir et transporter François Ier.

Le 10 juin, à trois heures avant le jour, on fit voile vers l’Espagne. Le roi, qu’animait l’espoir d’un accord prochain avec l’empereur, était fort content. Entré dans le port de Palamos le 17[4], il arriva le 19 à Barcelone, où il fut reçu avec les plus grands honneurs. Logé dans le palais de l’archevêque de Tarragone, il y devint l’objet des plus respectueux empressemens. Les conseillers de la principauté de Catalogne lui présentèrent leurs hommages, et le même jour les dames les plus considérables du pays, au nombre de vingt-deux, ayant à leur tête la comtesse de Palamos, dona Isabel de Requesens, veuve de don Ramon de Cardona, ancien vice-roi de Naples, qui commandait les Espagnols aux batailles de Ravenne et de Marignan, et dona Juana de Requesens, femme de don Pedro de Cardona, gouverneur de Catalogne, formant une élégante -

  1. Lettre du 8 juin 1525 du vice-roi de Naples à Henri VIII. — Mss. cott. Vitell., B. VII, p. 146. — Captivité, p. 210.
  2. Captivité de François Ier, p. 212.
  3. Lettre de Lannoy à l’empereur, du 10 juin 1525. — Lanz, t. Ier, p. 164.
  4. Lettre de Lannoy à l’empereur, du 17 juin, dans les Négociations entre la France et l’Autriche, t. IIp. 605.