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dans le Château-Neuf de Naples, construit sur une bande de terre s’avançant au milieu de la mer, et ils prévinrent l’empereur de cette résolution.

Le 18 mai, Lannoy alla chercher François Ier à Pizzighetone[1]. Sous l’escorte d’Alarcon et d’environ deux mille hommes, il le conduisit par le haut du Milanais, en évitant les villes, jusqu’à Gênes. Après six jours de marche, il pénétra par le dehors de la ville, sans même traverser les faubourgs, dans la citadelle avec son prisonnier. Il l’y laissa peu de temps, et le 31 mai, la flotte espagnole étant prête à quitter, le port, il fit descendre de grand matin, du château au môle, François Ier, qui, toujours suivi d’Alarcon et de ses arquebusiers, monta sur la galère capitane de Castille.

Les seize navires composant la flotte, et sur lesquels furent distribuées les troupes espagnoles, se dirigèrent vers Porto-Fino, où les retint le temps contraire. Le roi éprouvait un grand déplaisir de cette translation. Il redoutait le climat de Naples, et disait que le mener au bord de la mer, c’était vouloir le faire mourir.[2]. Instruit de bonne heure qu’il devait être conduit dans l’Italie méridionale, il avait cru pouvoir recouvrer sa liberté dans le passage de Gênes à Naples. L’armée navale de la France était plus forte que celle de l’Espagne. Les navires réunis d’André Doria, du baron de Saint-Blancard, du frère hospitalier Bernardin, montés par quelques troupes résolues, pouvaient attaquer les navires ennemis et l’enlever à ses gardiens. Dès le 12 mai, François Ier était parvenu à donner secrètement des informations à la régente, et lui avait écrit qu’on n’aurait à combattre que quatorze galères et dix-huit cents arquebusiers espagnols. Il avait ajouté, avec une confiance un peu téméraire, qu’il n’y avait qu’à user de diligence, « car si elle est faite, disait-il à sa mère, j’ai espérance que bientôt vous pourrez revoir votre très humble et très obéissant fils[3]. » Les préparatifs pour le délivrer s’étaient poursuivis avec promptitude. Une partie de la flotte française devait se rendre le 31 mai dans les eaux de Gênes, où la joindraient successivement les autres navires qu’on armait. Le maréchal de Montmorency, échangé un mois auparavant avec don Ugo de Moncada, après avoir vu la régente à Lyon, avait rejoint le roi à Gênes, presque à la veille de son embarquement. Il était investi du commandement général des armées de mer, et sans doute il apprit au roi que tout s’apprêtait pour sa délivrance.

Mais François Ier renonça lui-même à une entreprise non moins incertaine que périlleuse en obtenant que Lannoy le menât en Espagne auprès de Charles-Quint. Il désirait ardemment une entrevue

  1. Lettre de La Barre, bailli de Paris, à la régente. — Captivité de François Ier, p. 183.
  2. Lettre de sir John Russell du 16 mai 1525. — Ms. cott. Vitell., B. VIII, p. 194.
  3. Cette lettre est dans Captivité de François Ier, p. 180.