Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 61.djvu/562

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Beaurain communiqua en même temps les conditions auxquelles l’empereur conclurait la paix avec la France et consentirait à la délivrance du roi. La régente était entourée des personnages qu’elle avait appelés à Lyon et qui formaient auprès d’elle comme une petite assemblée d’états. D’accord avec eux, elle rejeta sans hésiter, et avec des paroles altières, les dures et humiliantes exigences de l’empereur. Elle dit que, si l’empereur voulait traiter de la rançon du roi, on prêterait l’oreille à ses propositions ; mais quant à céder un seul pied de terre, la France n’était pas assez bas pour le faire, et le royaume était prêt à se défendre, quoique le roi fût prisonnier[1].


V

Les demandes de Charles-Quint ne devaient pas paraître moins exorbitantes à François Ier. Peu de jours après la bataille de Pavie, le monarque captif avait été conduit dans la forteresse de Pizzighetone, sur l’Adda, entre Lodi et Crémone. Le vice-roi de Naples et le duc de Bourbon l’y avaient laissé sous la garde du capitaine Alarcon et d’une troupe choisie d’arquebusiers espagnols. Il y était soumis à la plus étroite surveillance, bien qu’il y fût entouré des plus grands respects. On ne parvenait jusqu’à lui qu’avec la permission et en la présence de son vigilant gardien, qui avait ordre de lire tout ce qui lui était adressé. De nuit comme de jour, on entrait dans sa chambre afin de s’assurer qu’il n’en avait pas disparu, et son sommeil était souvent troublé par ces visites défiantes. Rien n’était négligé pour rendre impossible son évasion. Sans être tombé dans l’abattement, François Ier ne se consolait pas d’avoir été vaincu et de demeurer prisonnier. Constamment occupé jusque-là de la guerre ou de la chasse, accoutumé aux plaisirs d’une cour qu’il animait de son esprit et que les séductions de l’homme remplissaient encore plus que les commandemens du roi, il s’accommodait mal d’une immobile et sévère captivité. Il se levait tard, jouait de temps en temps à la paume[2] pour prendre quelque exercice, et restait le plus souvent livré à ses pénibles pensées. Dans sa mélan-

  1. C’est ce qu’a écrit Beaurain à l’empereur par un de ses secrétaires qu’il a envoyé en poste de Lyon en Espagne. Dépêche de Sampson à Wolsey écrite de Tolède, du 2 mai 1525. — State Papers, t. VI, p. 437.
  2. «…El rey esta en piciguiton atiende á jugar al palon y a otros juegos de exercicio con que pasa el tiempo lo mejor que puede. » Lettre manuscrite de l’abbé de Najera à Charles-Quint, du 30 mars 1525/