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France en notre pouvoir, ayant plus égard à son service et au bien de la chrétienté qu’à notre particulier profit, et voulant plutôt user de douceur que de rigueur,… avons pensé être plus convenable de surseoir à l’exécution de la guerre jusqu’à ce que nous sachions si le roi de France se voudra condescendre aux conditions de paix raisonnables et propres à satisfaire nous, nos sujets, nos alliés, confédérés et amis[1]

Il aurait pu, prétendait-il, revendiquer le royaume de France ou tout au moins plusieurs de ses provinces ; mais il se contenterait de reprendre les possessions récemment soustraites à la maison de Bourgogne. Il demandait donc que le roi de France, s’il désirait la paix et voulait sa délivrance, rendît le duché de Bourgogne, accordé par le roi Jean à Philippe le Hardi et à toute sa postérité, les comtés d’Auxerre, de Mâcon, le vicomte d’Auxonne, le ressort de Saint-Laurent, la seigneurie de Bar-sur-Aube et les autres terres cédées à ses bisaïeux les ducs Philippe et Charles par les traités d’Arras, de Conflans et de Péronne, — abandonnât la ville de Thérouanne avec la ville et le château de Hesdin, perdît ses droits de suzeraineté sur la Flandre et sur l’Artois, renonçât à toutes ses prétentions sur le royaume de Naples, le duché de Milan, le comté d’Asti, la seigneurie de Gênes, — cédât la Provence au duc de Bourbon, qui la réunirait à ses anciens états pour en former un royaume indépendant, et dont tous les complices, rendus à la liberté, seraient remis dans leurs biens, — restituât au roi d’Angleterre tout ce qui lui revenait en France et acquittât en outre lui-même toutes les indemnités pécuniaires que Charles-Quint avait promis de payer à Henri VIII, — enfin rétablît le prince d’Orange dans sa principauté confisquée. François Ier devait, avant de sortir de prison, faire ratifier ce traité par les états de son royaume, qui en jureraient la perpétuelle observation, obtenir qu’il fût enregistré par ses parlemens, et le sanctionner de nouveau quand il serait devenu libre.

En abattant ainsi son adversaire vaincu, Charles-Quint se flattait d’établir une paix universelle et durable dans les pays chrétiens. Il espérait faire de François Ier une sorte de vassal qui unirait ses armes aux siennes pour l’aider à extirper l’hérésie en progrès dans les pays d’Allemagne et à combattre les Turcs, qui s’avançaient de plus en plus sur le territoire de l’Europe. Chacun d’eux : fournirait quinze mille hommes de pied et cinq mille chevaux, afin de chasser de la Hongrie les armées de Soliman par une expédition

  1. Instructions du 28 mars, envoyées de Madrid par Charles-Quint au duc de Bourbon, son lieutenant-général en Italie, au comte d’Antremont, son vice-roi de Naples, et au seigneur du Reoulx, son second chambellan et gouverneur d’Arthois, pour traiter de la paix avec François Ier et régler les conditions de sa délivrance. — Captivité de François Ier, p. 149-159. »