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mirabilia) de le louer d’aucune manière et d’aucune manière aussi de jeter le blâme sur ses ennemis.

Malgré ces premières manifestations d’un désintéressement peu durable, l’empereur cherchait quels avantages il retirerait de sa victoire. Trois moyens semblaient s’offrir à lui d’arriver diversement à ses fins. Il pouvait, poursuivant sans retard ses succès, opérer par plusieurs côtés et de concert avec le roi d’Angleterre l’invasion de la France affaiblie et l’accabler sans rencontrer beaucoup de résistance ; il pouvait négocier une paix qu’il croirait rendre solide en amoindrissant la puissance du roi captif par des cessions de territoire exigées comme conséquence de sa défaite et comme rançon de sa liberté ; il pouvait enfin s’assurer de l’amitié de François Ier et l’avoir à jamais pour allié aussi dévoué que reconnaissant en usant de magnanimité et en le délivrant sans le dépouiller ni l’humilier. Il mit en délibération le parti qu’il prendrait et comment il agirait envers son prisonnier.


II

Pendant que Charles-Quint délibérait, l’implacable duc de Bourbon voulait profiter de l’occasion pour pénétrer en France. Il était d’avis de continuer la guerre et d’exécuter l’entreprise qu’il avait quatre mois auparavant proposée par Beaurain au roi d’Angleterre. Il fit dire à ce prince que, s’il le voulait, il mettrait maintenant la couronne de France sur sa tête. Il proposait de pénétrer en France par le Dauphiné, traînant après lui des canons tirés d’Italie et suivi de douze mille hommes de pied et de cinq cents hommes d’armes qui seraient payés pour deux mois par Henri VIII. Il se chargeait ensuite de pourvoir à leur solde. Dans le cas où le roi d’Angleterre préférerait qu’il envahît la France par la Bourgogne, il demandait que l’archiduc Ferdinand lui préparât de l’artillerie et des munitions dans la ville de Brisach, et que le roi de son côté, abordant à Calais avec une armée anglaise, lui indiquât le lieu où il pourrait le joindre. Sir John Russell, qui transmettait de Milan ces propositions à Henri VIII, ajoutait : « Le duc dit que le moment est venu pour votre altesse de recouvrer son droit et de reprendre son héritage, que détient le roi de France. Jamais plus belle occasion ne s’est offerte ; mais il faut user de diligence. Avec les pertes que les Français ont faites en Italie, ils ne peuvent pas de quelque temps résister à une attaque en France. Si les deux armées y entrent promptement, ils n’auront pas le loisir de trouver des moyens de défense, encore moins de se pourvoir de bons capitaines[1]. »

  1. Dépêche de sir John Russell à Henri VIII du 11 mars 1525. — Cott. mms. Vitel-Hus, B. VII, art. 29, f. 77.