progressiste, Prim l’a été sans doute, tout comme il a été modéré ou partisan de l’union libérale. Jeune, il l’a été aussi, il ne l’est plus. Le général don Juan Prim est né vers 1811, à Reus, d’une famille assez obscure. C’est un Catalan petit de taille, d’une physionomie douce et assez peu expressive, liant, facile, séduisant quand il le veut, bouillant autant qu’il faut et pas plus qu’il ne faut, assez habile pour avoir poussé sa fortune à travers tous les camps, ne doutant de rien et se croyant tout naturellement appelé à recueillir l’héritage de tous ceux qui ont été avant lui des chefs de partis. Prim a commencé sa carrière tout jeune comme volontaire pendant la guerre civile de 1833 à 1840, non dans l’armée, mais dans les corps francs de Catalogne ; c’est là qu’il devint, en se battant d’ailleurs bravement pour la reine, quelque chose comme lieutenant-colonel, et comme les grades des corps francs n’étaient point reconnus dans l’armée régulière, il risquait de n’être plus rien à la paix ; mais il s’était assez bien battu pour se faire connaître dans son pays, et il eut la bonne fortune d’être nommé député. Il était alors progressiste, il avait pris part au soulèvement de 1840. Prim vit bientôt qu’il n’avait rien à espérer du duc de la Victoire, et il se tourna vers les modérés qui, dans l’émigration, travaillaient à la chute du régent. Il avait été de ceux qui avaient soulevé la Catalogne pour Espartero ; il fut de ceux qui la soulevèrent contre lui en 1843, et du coup il entrait dans l’armée régulière, il devenait brigadier ; il arrivait ainsi à Madrid, avec les galons de général, à la tête de ses volontaires catalans assez dépenaillés. C’était déjà un petit personnage, presque populaire, choyé par les vainqueurs du jour, commençant à sentir son ambition grandir avec sa fortune.
Ce n’est pas tout. Une fois la victoire de 1843 assurée et même attestée par une réaction violente, l’insurrection se redressait sur divers points de l’Espagne, notamment en Catalogne, au nom des progressistes et d’Espartero. Il fallait trouver quelqu’un pour réduire cette insurrection persistante. M. Gonzalez Bravo, qui était à cette époque président du conseil, qui était jeune et hardi, jeta les yeux sur Prim, qui était Catalan et qui fut peut-être le premier à s’offrir. Pour le coup, Prim gagna à cette campagne le grade de maréchal-de-camp, le titre de comte de Reus, sans compter les grands cordons. Quant aux progressistes catalans, ils y gagnèrent d’être bombardés, fusillés et pacifiés. Ici commence une période assez obscure au lendemain de ces succès. Prim disparait à demi dans l’ombre, mécontent, inquiet : tant il y a que bientôt après, en 1844, on le surprend ou du moins on croit le surprendre dans des conspirations allant jusqu’à des tentatives de meurtre dirigées contre le général Narvaez ! Ce qui est certain, c’est que, traduit devant un conseil de guerre, il ne fut sauvé que par le général Narvaez lui-même, qui se rendit sans peine aux touchantes supplications de sa mère, et qui garde encore, je l’ai entendu raconter, une lettre où le comte de Reus se mettait à sa discrétion. On revient vite de ces échauffourées en Espagne quand on n’est pas instantanément fusillé.