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les états du sud obtenaient dans la chambre une quantité de voix et une influence bien supérieures à celles qui auraient été la représentation numérique exacte des électeurs blancs et libres. Faire cesser cette anomalie nous paraît être le droit du congrès ; ce serait aussi une façon d’intéresser les anciens états esclavagistes à concéder le suffrage électoral aux nègres. Ceux qui accorderaient le suffrage aux noirs continueraient à posséder autant de représentans au congrès qu’avant la guerre ; ceux au contraire qui s’obstineraient à refuser le droit électoral aux nègres mutileraient leur propre représentation, et verraient décroître leur influence dans les assemblées centrales de la république. e. forcade.



ESSAIS ET NOTICES.

LE GÉNÉRAL PRIM.

Les pronunciamientos sont donc décidément l’institution fondamentale de l’Espagne, puisque rien ne peut se faire sans le signal de guerre parti d’un corps de garde. Quand ce n’est pas un sergent imposant une constitution comme en 1835 à la Granja, c’est Espartero enlevant une régence en 1840 ; quand ce n’est pas Espartero, c’est Narvaez démolissant la grandeur factice du duc de la Victoire ; quand ce n’est pas Narvaez, c’est O’Donnell en 1854, et quand ce n’est pas O’Donnell, c’est Prim. Tout aboutit là ; mais ce dont ne se doutent guère ceux qui triomphent en rejetant tout sur la révolution, c’est que ces interventions de l’armée dans la politique ont une origine tout absolutiste. Le premier pronunciamiento militaire a été celui qui en 1814 aidait Ferdinand VII à se débarrasser de la constitution de Cadix pour rétablir un inepte absolutisme. Tout le reste n’a fait que suivre Après cela, on en conviendra bien, il y a encore pronunciamiento et pronunciamiento. Le dernier, celui qui tient l’Espagne en suspens aujourd’hui, est certainement un des plus caractéristiques par les circonstances dans lesquelles il se produit et par le personnage qui donne son nom à cette aventure nouvelle. Il y a longtemps que Prim brûle d’avoir lui aussi son rôle dans la politique ; il y a longtemps qu’il erre, comme une ombre inquiète, à la recherche d’un habit de consul, de dictateur, ou même de ministre. Il n’a fait que cela toute sa vie, jusqu’au jour où il a cru mettre la main sur l’occasion. Va-t-il réussir ? va-t-il échouer ? Il était hier lieutenant-général, comte et marquis, grand d’Espagne, sénateur ; il sera demain chef de gouvernement ou banni ; pour le moment, il se promène dans les monts de Tolède, ou sur le chemin de Portugal, mettant dans tous les cas le pays au seuil de la guerre civile.

Ceux qui se représentent la situation de l’Espagne comme toute simple et le chef de l’insurrection actuelle comme un jeune et bouillant progressiste se levant dans une impatience de liberté, ceux-là se trompent un peu