l’esclavage est après tout une grande injustice. La partie est perdue : changeons de jeu et prenons notre revanche !
Ceux même qui combattent l’amendement n’attachent pas grand intérêt à leur résistance et se résignent aisément à le voir passer. M. Voorhees, le fameux copperhead de l’Indiana, tout en repoussant la motion comme inconstitutionnelle, ajoute qu’elle est inutile et que la question de l’esclavage est morte. Le vrai débat se poursuit sur les champs de bataille ; si le sud est conquis, quoi que le congrès décide, l’esclavage est matériellement aboli ; si le sud triomphe, à quoi bon l’amendement ? Seulement, fidèle à la cause du sud, tandis que ses collègues patriotes concluent pour la loi, en bon copperhead il conclut contre elle, précisément pour les mêmes motifs…..
Ce Willard’s hotel est toujours le même, le pire et le plus cher des États-Unis. Il a profité de l’encombrement de l’hiver pour élever ses prix au-dessus du Tremont de Boston et du Fifth-avenue de New-York. Le service y est détestable ; le menu somptueux couvre un dîner sale et avare ; les parts y sont rognées par des mains économes, et l’on voit trop bien qu’elles sont composées des restes laissés dans les assiettes. Le public a cependant meilleure tournure que l’été dernier ; membres du congrès, gouverneurs d’états et officiers généraux en forment la couche principale. Ce n’est pas moins un assez vilain spectacle, que la foule bruyante et bigarrée qui se presse dans les corridors et les salons du rez-de-chaussée : c’est une ruche toujours pleine d’abeilles bourdonnantes qui vont et viennent sans repos.
12 janvier.
Washington a bien changé avec la saison, non pas que l’aspect de la ville soit matériellement altéré : toujours à l’extérieur, ces vastes plaines dévastées par les campemens militaires, dénudées à ras de terre, sans un arbre, sans une herbe, sans rien que des tentes et des baraques ; à l’intérieur, cette pauvreté boueuse et ce misérable essai de grandeur manquée ; mais au lieu de ce sommeil et de cette mort qui y régnaient sous le ciel d’été, j’y trouve la vie la plus active et la plus étourdissante. Avec le bruit des voitures, le grondement des cars, sur leurs voies ferrées et le murmure des passans qui encombrent les trottoirs, on se croirait presque dans une ville commerçante et populeuse. Ce mouvement n’est pourtant qu’à la surface, cet encombrement n’est que momentané, et si l’on retirait de la capitale tout ce qui ne lui appartient pas, il ne resterait plus guère qu’un désert. Jamais le gouvernement n’a employé tant d’hommes, jamais son influence souveraine n’a attiré tant d’intérêts autour de lui ; enfin la guerre augmente la population d’un