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ni retards de la ligne principale à l’embranchement. Le problème économique de la construction est à peu près résolu. En est-il de même du problème de l’exploitation ? Malheureusement la difficulté se représente ici tout entière.

Le chemin de fer est un instrument de travail très perfectionné, qui fonctionne admirablement lorsqu’il a des milliers de tonnes à convoyer chaque jour. N’est-il pas trop parfait, c’est-à-dire trop coûteux, lorsque la circulation est très restreinte ? C’est là la question qu’il s’agit d’examiner. Peut-il être exploité d’une façon économique ? C’est à l’étranger qu’il nous faut aller demander des renseignemens sur ce sujet, car en France nous n’avons pas encore de chemins de fer où l’on ait été obligé de restreindre la dépense d’exploitation au strict nécessaire. On trouve au contraire dans les îles britanniques, et surtout en Écosse, de nombreux embranche-mens qui méritent de servir de type de chemins économiques et qui fonctionnent au surplus depuis si longtemps que l’exploitation y a pris une allure tout à fait normale[1].

Les grandes compagnies de chemins de fer de la Grande-Bretagne ont été contraintes, de même que les compagnies françaises, de construire beaucoup d’embranchemens secondaires dont le prix de revient kilométrique est aussi élevé que celui des lignes principales et dont les recettes sont bien moindres. Double voie, ouvrages d’art grandioses, courbes à grands rayons et pentes réduites, rien n’y manque de ce qui constitue les artères principales, si ce n’est que le trafic est toujours médiocre et trop faible pour assurer un produit rémunérateur. Aussi s’accorde-t-on à dire, en Angleterre comme en France, que les embranchemens ne paient pas les frais de leur entretien.

Il y a en outre en Écosse et en Irlande, dans des pays agricoles ou de petite industrie, bon nombre de chemins de fer à une seule voie qui ont été établis par des compagnies locales à un taux très modéré, sans aucune subvention officielle, et qui, grâce à une exploitation intelligente, appropriée à leurs besoins, assurent un revenu satisfaisant au capital qui leur a été consacré. Ce sont ceux-ci qu’il faut prendre pour modèles. Ainsi un chemin qui s’embranche sur la ligne d’Edimbourg à Perth a été construit en 1855 pour desservir la petite ville de Leven, dont la population est tout au plus de 2 000 âmes. Ce chemin, qui n’a que 9 kilomètres de long, traverse une contrée agricole où il n’y a d’autre industrie que des distilleries et des féculeries. Le pays est peu accidenté ; cepen-

  1. Voyez les rapports de MM. Lan et Bergeron sur les chemins de fer économiques de l’Écosse.