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munes. Les fonds furent votés avec empressement par le conseil-général et par la presque totalité des communes que l’entreprise intéressait. Jusque-là tout allait bien. Le projet n’était au fond qu’une application de la loi du 11 juin 1842, si ce n’est que, l’état se tenant à l’écart, la dépense d’établissement de la voie restait tout entière à la charge des localités.

Avant d’aller plus loin, il ne sera pas superflu de rappeler que les travaux d’établissement d’une voie ferrée se divisent en deux catégories bien distinctes. Acheter les terrains, niveler le sol au moyen de tranchées et de remblais ou de tunnels et de viaducs, construire les travaux d’art, ponts et aqueducs, à la rencontre des cours d’eau, en un mot établir ce que l’on appelle la plate-forme de la voie, et même garnir cette plate-forme du ballast qui supporte les rails, — ce ne sont au fond que des travaux de voirie de même ordre, aux détails du tracé près, que ceux que l’on exécute pour toute autre voie de communication. Jusque-là il est presque indifférent, au point de vue administratif, que le chemin soit destiné au roulage ordinaire ou au transport sur rails. L’exécution de ces travaux rentre de droit dans les attributions de l’autorité, état, département ou commune. On peut encore ranger sans trop d’effort dans la même catégorie l’édification des bâtimens des stations en les assimilant aux maisons de cantonniers placées sur les routes ou bien aux édifices communaux d’un usage public ; mais il n’en est plus de même des travaux qui complètent la voie ferrée. Acheter et entretenir le matériel roulant, organiser les ateliers indispensables à l’exploitation, percevoir les taxes, c’est entreprendre une œuvre industrielle et faire acte de commerce avec toutes les chances bonnes et mauvaises que le commerce et l’industrie comportent. C’est un des principes les mieux établis et les moins contestés de l’économie politique que le pouvoir doit le plus possible rester à l’écart en ces matières. Aussi le conseil-général du Bas-Rhin ne s’arrêta pas un seul instant à la pensée de transformer en voie ferrée par ses propres ressources les nouveaux chemins dont il avait voté la construction, et il fallut chercher une compagnie qui voulût bien compléter l’œuvre et en entreprendre l’exploitation industrielle.

La dépense complémentaire à effectuer pour mettre le chemin en état d’exploitation était évaluée à 50 000 francs par kilomètre. La concession de cette ligne fut proposée tout d’abord à la compagnie des chemins de fer de l’Est, qui pouvait s’en charger avec plus de facilité que toute autre, puisqu’il ne s’agissait que d’embranchemens aboutissant aux lignes qu’elle exploitait déjà ; mais cette compagnie, jugeant que les produits du chemin ne lui seraient pas rémunérateurs et ne voulant pas au surplus s’engager dans une affaire aléatoire qui eût été un précédent à invoquer dans d’autres