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mers du Spitzberg que le pôle est le plus facilement abordable ; cette opinion est soutenue énergiquement par le docteur Petermann depuis quelques années. Voici ses argumens : d’abord dans cette direction on pourrait y arriver par mer, et il est inutile d’insister sur l’avantage qu’il y aurait sous tous les points de vue à atteindre le pôle nord avec un navire. Un navire est une maison flottante pourvue de tout ce qui peut contribuer au bien-être et à la sécurité de ses habitans, et tous ceux qui ont navigué savent qu’à bord d’un bâtiment bien installé tous les besoins, toutes les nécessités, tous les accidens même, sont prévus. L’expédition arriverait donc au pôle portant avec elle les instrumens nécessaires aux observations scientifiques et un personnel suffisant pour les exécuter. Le choix du genre de navire ne saurait être douteux : ce sont de petits avisos à hélice, construits en bois, mais cuirassés de plaques de fer suffisantes pour les garantir contre le choc et la pression des glaces flottantes. Il ne faut pas oublier que le brick la Lilloise, commandée par un jeune marin plein d’espérance, M. de Blosseville, a péri en 1833 dans les mers du Groenland, ouvert par une glace flottante. Les navires en fer ont l’inconvénient immense de se refroidir prodigieusement et d’être moins solides que les bâtimens en bois. Un hivernage au Spitzberg devrait être dans les prévisions du commandant afin de pouvoir entrer dans les glaces au printemps. Ce serait peut-être le moment le plus favorable ; l’exemple de Scoresby est encourageant : c’est le 24 mai 1806 qu’il se trouvait par 81° 30’ de latitude sans apercevoir de glace vers l’orient. D’un autre côté, Parry, dont nous avons raconté la tentative hardie, termine ainsi sa relation : « Avant le milieu d’août, lorsque nous quittâmes la glace dans nos embarcations, un navire aurait pu s’avancer jusqu’au 82e de latitude sans toucher un fragment de glace, et l’opinion unanime de l’état-major était qu’il ne serait pas difficile de s’avancer jusqu’au 83e degré sous le méridien du Spitzberg. » Suivant Parry, l’arrière-saison présenterait donc des chances favorables, mais alors le navire serait probablement obligé d’hiverner au Spitzberg à son retour du pôle. D’autres navigateurs des plus autorisés, le vieil amiral Lütke, qui s’est élevé jusqu’à 76° 20’ dans les mers de la Nouvelle-Zemble, Hedenslroem et des officiers anglais dont nous aurons à résumer les opinions, partagent cette manière de voir.

Une autre question se présente : vaut-il mieux suivre les côtes occidentales du Spitzberg ou longer les côtes orientales ? Il est certain qu’en suivant les côtes occidentales, celles qui autrefois étaient si fréquentées par les baleiniers, on est sûr de pouvoir atteindre le 80e degré ; mais on a toujours trouvé vers cette latitude, au moins, en été, une banquise qui s’étendait dans l’ouest et allait