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de fer offrent précisément ce moyen ; ils établissent entre le gouvernement et les gouvernés des relations plus fréquentes qui sont destinées à calmer tout à la fois les défiances instinctives du pouvoir et les ardeurs excessives de la liberté. Portons nos regards sur l’ensemble de l’Europe. Il est impossible de ne point remarquer que, depuis l’extension des voies ferrées, les principes de liberté sont en progrès parmi les peuples, sans que l’autorité ait rien perdu de sa force. Les nations sont assurément mieux administrées, et les gouvernemens de leur côté, en jugeant de plus près les idées, les choses et les hommes, sont moins timides à se démunir des garanties, souvent oppressives, qui, à une époque où l’éloignement augmentait les défiances, pouvaient leur paraître nécessaires. En un mot, les chemins de fer, considérés au point de vue politique, représentent un lien et non pas une arme ; ils servent tout à la fois le pouvoir et le principe de liberté ; ils contribuent à la bonne administration du pays et à l’harmonie générale.

S’il en est ainsi pour la politique intérieure, l’influence féconde des chemins de fer apparaît plus manifeste encore pour les relations de la politique internationale. Supposons que la France en fût encore réduite à ses anciennes voies de communication, le commerce avec l’étranger, dont nous avons plus haut signalé le prodigieux développement, cheminerait à petites journées sur les routes ou sur les canaux, avec cette augmentation moyenne annuelle de quelques millions qui figurait naguère dans la statistique officielle comme un indice de ce qu’on appelait alors la prospérité croissante. Aujourd’hui c’est par bonds de centaines de millions que se traduit l’augmentation des échanges. Sans les chemins de fer, les expositions universelles, ces grandes fêtes internationales auxquelles il a été donné à la France de prendre une part si brillante, si honorable et si utile pour elle, auraient été impossibles à organiser. On ne verrait point ces réunions fréquentes d’hommes et d’idées qui forment en quelque sorte le congrès permanent des peuples, et qui resserrent de plus en plus les liens de la solidarité européenne. Comment calculer ce que la France a gagné et gagne tous les jours, non-seulement en profits matériels, mais encore en profits intellectuels, en progrès moral, en influence politique, à la multiplication de ses rapports avec l’étranger ? Traités de commerce, conventions postales et télégraphiques, actes consacrant la propriété intellectuelle ainsi que la liberté religieuse, arrangemens de toute nature protégeant les intérêts français sur le sol étranger aussi efficacement que sur le territoire national, voilà les formes extérieures et authentiques du régime nouveau ; mais au-dessus de tout cela plane une idée souveraine, c’est-à-dire l’idée de paix,