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instructions pour les observations à faire sur la physique générale et l’histoire naturelle. L’expédition sortit le 2 juin 1773 de la Tamise ; on découvrit la côte méridionale du Spitzberg le 28 au soir. Le 4 juillet, les navires mouillèrent dans une petite baie au sud de celle de Hambourg. Mettant de nouveau le cap au nord en serrant la cote, ils rencontrèrent la glace le lendemain, et le 6 ils étaient à quatre milles[1] de la banquise, par 80 degrés de latitude ; ils suivirent alors cette banquise, naviguant au milieu des glaces flottantes et souvent arrêtés par elles, mais cherchant une ouverture par laquelle ils pourraient pénétrer vers le pôle. Après avoir louvoyé le long de cette barrière infranchissable, les deux navires atteignirent le 5 août une île, située par 80° 35’, à laquelle Phipps donna le nom de son pilote Walden[2], qu’il avait envoyé pour la reconnaître. Là le Race-Horse et le Carcass furent pris par les glaces et coururent les plus grands dangers. Déjà les embarcations étaient à la mer lorsqu’on s’aperçut que les glaces entraînaient peu à peu les navires vers l’ouest ; bientôt elles se séparèrent assez pour leur permettre d’avancer lentement, et le 10 juillet 1773 ils naviguaient au milieu des glaçons flottans, mais dans une mer ouverte, et revinrent sans difficulté en Angleterre vers le milieu de septembre. Suivant son estime, Phipps avait atteint en mer, le 27 juillet, à l’ouest de l’archipel des Sept-Iles, la latitude de 80° 48’. « Le 30 juillet, dit Phipps, le capitaine Lutwidge et un maître du Race-Horse abordèrent sur une île sans nom (c’est celle qui depuis a reçu celui de Phipps) : ils gravirent une haute montagne. De ce point élevé, leur vue embrassait à l’est et au nord-est un espace de trente à quarante milles de glace unie et continue qui s’étendait jusqu’à l’horizon. » Cinquante ans plus tard, un jeune officier de marine, Edward Parry, qui avait déjà fait quatre voyages de découvertes dans l’Amérique boréale, conçut à la lecture de ce passage de Phipps la pensée hardie d’atteindre le pôle nord en s’avançant sur cette plaine de glace avec des traîneaux portant des embarcations qui seraient mises à l’eau chaque fois que la mer serait libre et replacées sur leurs traîneaux pour glisser sur la glace chaque fois qu’elle ne le serait pas[3]. D’autres navigateurs, Scoresby, Franklin lui-même, l’encourageaient et pensaient aussi que la banquise était une surface plane comme celle d’un lac ou d’un fleuve gelé. Tous avaient été induits en erreur par cette illusion d’optique dont on est dupe

  1. Un mille marin vaut 1,852 mètres.
  2. Voyez la carte du Spitzberg dans le Tour du Monde, n° 287,1865, reproduite avec additions par M. Petermann, Geographische Mitlheilungen, Ergaenzungs Heft, n° 16, 1865.
  3. Voyez la préface de sa relation intitulée : Narrative of an attempt to reach the north pole, in-4o, 1829.