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Des deux pôles, le pôle boréal est le plus rapproché de nous et paraît le plus abordable. La Société de géographie de Londres a consacré plusieurs séances à discuter la possibilité et les moyens de l’atteindre. Des géographes, des marins, ont émis leur avis et conclu pour l’affirmative. En Allemagne, le docteur Petermann, dont nous avons déjà cité les recherches sur le Groenland[1], a provoqué et poursuivi de toutes ses forces la réalisation de ce grand projet : il en a fait le sujet des conférences d’un congrès de savans et de marins réuni à Francfort en 1865. Ce projet préoccupe donc l’attention publique en Allemagne et en Angleterre : la France n’y saurait rester indifférente ; mais, avant d’indiquer les plans proposés pour arriver au pôle, je crois utile de faire connaître les tentatives qui ont été déjà faites et d’initier en même temps le lecteur à la géographie des mers et des terres boréales, ces notions étant nécessaires à l’intelligence des projets mis en avant par la Société de géographie de Londres et par M. Petermann, le promoteur de la question en Allemagne.


I. — LES MERS DU SPITZBERG. — LA PECHE DE LA BALEINE DANS LA MER GLACIALE. — TENTATIVES DE PHIPPS ET DE PARRY POUR ATTEINDRE LE PÔLE.

Si l’on jette les yeux sur une mappemonde planisphérique, c’est-à-dire dressée suivant la projection dite de Mercator, ou mieux encore sur une carte des régions boréales dont le pôle occupe le centre, on reconnaît que ce pôle est entouré par les deux grands continens de l’Asie et de l’Amérique, séparés l’un de l’autre par le détroit de Behring. Aucune autre ouverture à travers le continent asiatique ne fait communiquer l’Océan-Glacial avec la Mer-Pacifique. L’Amérique du Nord au contraire est découpée par une foule de détroits, de canaux et de bras de mer contournant de grandes îles ou de vastes promontoires. Par ces détroits, par ces canaux, la Mer-Polaire communique avec la baie d’Hudson et celle de Badin, qui elles-mêmes s’ouvrent dans l’Océan-Atlantique, en face des côtes du Labrador. Cette communication n’est pas la seule : entre l’Amérique et l’Europe, c’est-à-dire entre les côtes orientales du Groenland et celles de la Norvège, il existe une grande lacune par laquelle la Mer-Polaire se continue librement avec l’Atlantique. Cette lacune correspond à l’extrémité septentrionale du continent européen. L’archipel du Spitzberg, placé au milieu de ce large canal, non comme un obstacle, mais comme un point de relâche, est l’étape naturelle sur le chemin du pôle. Les côtes occidentales de l’île

  1. M. Petermann est le directeur d’un important recueil consacré aux sciences géographiques et intitulé : Miltheilungen aus Justus Perthes geographischer Anstalt über wichtige neue Erforschungen aus dem Gesammtgebiete der Geographie.