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agricole, industriel et commercial dont nous sommes témoins depuis dix ans. Le regard le plus superficiel suffit d’ailleurs pour observer la révolution presque instantanée qui se produit dans les régions où pénètrent successivement les chemins de fer. On peut cependant, si l’on tient à s’en former par analogie une idée approximative, consulter les. états du commerce extérieur, qui surpassent en exactitude et en précision les autres documens statistiques. Pendant la période décennale de 1827 à 1836, le mouvement général du commerce extérieur était en moyenne de 1,365 millions de francs par an ; il s’est élevé à 2,112 millions pour la période de 1837 à 1846, et à 3,136 millions pour la période de 1847 à 1856. On ne comptait en exploitation, à cette dernière date, que 6,500 kilomètres de chemins de fer. En 1864, avec un réseau exploité de 13,000 kilomètres, le commerce extérieur a représenté une valeur de 7,329 millions. Complétons cette démonstration par l’étude des mouvemens du transit, car ce genre d’opérations est celui qui profite le plus des facilités données aux grands transports. De 1837 à 1846, la valeur moyenne annuelle des marchandises de transit n’était que de 194 millions de francs ; elle s’est élevée à 306 millions pour la période de 1847 à 1856, et elle a, en 1864, atteint la somme de 723 millions, à laquelle il faut ajouter 200 millions, si l’on tient compte du mouvement spécial des marchandises importées sous le régime des admissions temporaires : c’est donc en réalité une valeur de plus de 900 millions qui représente le commerce du transit. En aucun pays, pas même en Angleterre, on n’a constaté un accroissement aussi rapide, et ce que l’on peut établir sûrement pour les opérations du commerce extérieur, il est permis de le conjecturer, dans des proportions au moins égales, pour le commerce intérieur, dont les transactions échappent, par leur multiplicité même et par l’infinie variété de leurs directions, aux calculs de la statistique.

Sans doute cet accroissement doit être attribué en partie aux réformes qui ont été introduites dans la législation commerciale et qui ont ouvert plus largement nos frontières aux échanges avec l’étranger ; mais ces réformes elles-mêmes n’ont été que l’effet de l’établissement des chemins de fer. Si les voies ferrées, circulant à travers le pays comme les artères qui vivifient le corps humain, n’avaient point été là pour améliorer nos moyens de production, pour mettre les matières premières à la portée des usines où elles s’emploient, pour assurer les communications entre les fabriques et les marchés, et surtout pour abaisser le prix des transports, peut-être les conseillers les plus ardens de la réforme auraient-ils hésité à exposer l’industrie française aux hasards d’une concurrence où