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toutefois que le ministre voulût bien l’aider à débarrasser le pays de la propriété, « Il faut que le gouvernement m’accepte, écrivait-il à un ami ; j’aurai l’avantage d’être tout à la fois le réformiste le plus avancé de l’époque et le protégé du pouvoir. » M. Duchâtel avait encore la faiblesse de tenir à la propriété ; il trouva la mise à prix de Proudhon trop élevée, et la transaction en resta la faute d’une seconde signature. On comprend maintenant la colère de Proudhon contre la doctrine économique de l’offre et de la demande.

Le parquet de Besançon poursuit la lettre à Considérant pour attaque au droit de chacun sur sa motte de terre ou sur son écu. On avait eu la bonté d’inscrire ce délit dans la législation de septembre, comme si la propriété pouvait courir aucun danger du fait d’une parole ; autant vaudrait mettre le soleil sous la protection d’un décret. Le décret n’aurait d’autre résultat que de pousser à la négation de la lumière. Une expropriation universelle, une loi agraire ? Mais qu’on veuille réfléchir. On retire la propriété au propriétaire actuel : c’est bientôt dit ; mais à qui la donner ? Au cultivateur ? A merveille ! Et si un autre cultivateur en disponibilité vient dire au possesseur de la culture : Ote-toi de là que je m’y mette ? — Tu te trompes, répond le premier, je laboure la place. — Tu te trompes toi-même, réplique le second ; je vais la labourer à mon tour. La propriété, ainsi transférée d’une main à l’autre, ne serait donc qu’une fausse monnaie du sol. Malheur à la main qui aurait la maladresse de l’accepter ! Une révolution aurait créé son titre, une autre révolution pourrait le détruire.

Proudhon présenta lui-même sa défense dans la langue la plus métaphysique de son répertoire. Le jury bisontin comprit que Proudhon ne se comprenait pas lui-même, que personne par conséquent ne pouvait le comprendre, et il acquitta l’accusé. Il eut raison, et d’autant plus raison que Proudhon brûlait d’une haine purement platonique pour le pouvoir. Il ne demandait pas mieux que de l’aimer pour peu qu’on le payât de retour. Il sollicita de son préfet une place de buraliste à Besançon, tant il tenait médiocrement au mérite de victime. La persécution affrontée pour une conviction troublait sa conscience comme une variété du charlatanisme. « Il y a un homme que je déteste à l’égal du bourreau, disait-il, c’est le martyr ! » Lamennais avait mérité la prison, à ce qu’il paraît, pour une brochure. Il pouvait obtenir sa grâce ; il aima mieux entrer à Sainte-Pélagie. « Je reconnais bien là le faux stoïcisme du républicain, écrit Proudhon ; Galilée à genoux devant le tribunal de l’inquisition et reniant l’hérésie du mouvement de la terre pour recouvrer sa liberté me paraît cent fois plus grand que Lamennais. » Et à quelques pages de là, pour bien marquer sa pensée, il ajoute : « Je respecte les mannequins, je salue les épouvantails. Je