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a donc plus là, pour la commission, qu’une question d’opportunité. — Est-ce que l’inégalité des conditions n’est pas la loi du commerce, comme elle est la loi de la société ? Est-ce que, dans des circonstances bien autrement graves, par exemple lorsqu’il s’agit d’un traité qui supprime des droits de douane ou de navigation, le gouvernement ne se trouve pas en présence d’intérêts faibles qui se prétendent lésés, qui sont lésés réellement ? Est-ce que nous ne voyons pas sans cesse et aujourd’hui plus que jamais les petits capitaux dominés par les gros capitaux, qui s’associent pour la grande production ou pour le grand commerce ? Ces doléances particulières, dignes assurément d’intérêt, empêchent-elles cependant que force reste à l’intérêt général ? car c’est l’intérêt général qu’il faut considérer avant tout. C’est le progrès qui l’emporte, et il est si puissant qu’il arrive toujours à relever les ruines qu’il a pu laisser derrière lui et à panser les plaies qu’il a pu faire dans sa marche trop rapide. S’il est vrai que, par le moyen des traités particuliers, on obtiendra une réduction nouvelle des tarifs, il ne faut point hésiter à revenir sur la décision de 1857, et l’on ne doit pas craindre de heurter le sentiment public en favorisant un intérêt aussi essentiel, alors surtout que la lice de la concurrence universelle est ouverte, et que l’économie des frais de transport est regardée à juste titre comme l’une des armes les plus puissantes de la concurrence internationale. Au surplus, il n’est pas besoin d’autoriser expressément telle ou telle espèce de conventions : on n’a qu’à demeurer dans le droit commun. Les compagnies de chemins de fer sont obligées par leurs contrats d’observer un maximum dans la fixation de leurs tarifs ; qu’au-dessous de ce maximum elles soient maîtresses de combiner leurs taxes, de passer des traités et des conventions, sauf à respecter les lois générales qui régissent les transactions entre commerçans. Un tel régime serait parfaitement licite et rationnel. L’argument tiré du prétendu monopole des compagnies ne saurait être sérieusement invoqué. Le seul contrat applicable, c’est le cahier des charges ; or celui-ci ne contient aucune disposition qui enlève aux compagnies la faculté de se mouvoir dans les bornes de leurs tarifs, et l’intérêt général ne demande certainement pas qu’on limite un droit qui ne s’exerce jamais que sous la forme d’une diminution des frais de transport.

Les mesures que nous nous permettons de recommander, en nous abritant sous l’autorité de la commission d’enquête, n’exigent aucun changement fondamental dans le régime qui a été adopté pour l’exploitation des chemins de fer. Ce régime, en définitive, se prête à tous les progrès ; s’il repose sur le privilège, il faut rappeler non-seulement que le privilège était le seul moyen pratique de