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qui pourraient même compromettre leurs intérêts de la manière la plus grave, si elles méritaient de la part du gouvernement, qui les contrôle, et de l’opinion publique, qui les juge, un blâme de cette nature. Ce qu’il faut voir dans l’interdiction que nous signalons, c’est un obstacle sérieux à des essais de réduction de tarifs dont profiterait le public, essais auxquels les compagnies ne peuvent se livrer que très timidement, dans la crainte qu’une simple erreur de calcul, qu’une prévision inexacte ne les condamne à des sacrifices trop prolongés.

La seconde disposition qui nous paraît sujette à critique dans le régime actuel, c’est la proscription de ce qu’on appelle les traités particuliers. Ces traités, qui étaient fort en usage de 1850 à 1857, et sous l’empire desquels la taxe moyenne kilométrique avait subi une réduction très sensible, ont été supprimés parce que, disait-on, ils créaient des inégalités entre les expéditeurs, stipulaient des conditions que tous les négocians ne pouvaient remplir, et sacrifiaient l’intérêt du plus faible à celui du plus fort. On se souvient des vives discussions qui s’engagèrent à ce sujet. C’était l’époque où l’on demandait en même temps la radiation de toutes conventions s’écartant plus ou moins de la taxe kilométrique, sous le prétexte que les chemins de fer doivent respecter les situations existantes et ne point rapprocher artificiellement les régions que la géographie a séparées. La plupart de ces prétentions étaient vraiment déraisonnables, mais devant un appel à l’égalité, argument irrésistible dans notre pays, on crut devoir donner une satisfaction en sacrifiant les traités particuliers. En est-il résulté quelque avantage ? Devant la commission d’enquête plusieurs chambres de commerce ont exprimé leurs vieilles répulsions contre ces traités : la chambre de commerce de Paris a demandé au contraire qu’ils fussent rétablis. La plupart des compagnies de chemins de fer ont déclaré que plus d’une fois l’interdiction décidée depuis 1857 les avait empêchées de concéder à de grands centres d’industrie des abaissemens de tarif qui auraient été très désirables. La commission d’enquête n’a point émis d’opinion bien nette pour le présent ; au fond cependant elle n’est point défavorable aux traités particuliers. « Il se peut, dit-elle dans son rapport, que plus tard, grâce à la multiplication des rapports internationaux, l’exemple de ce qui se passe chez nos voisins influe sur les esprits ; il se peut qu’on cesse d’invoquer, dans une question où il n’est peut-être pas bien à sa place, le principe de l’égalité au nom duquel a été prononcée la condamnation des traités particuliers. Alors l’expérience pourra être reprise sans que le gouvernement assume une trop grande responsabilité et heurte le sentiment public. » Il n’y