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dans la rougeur du couchant ses nappes pourprées, reluisantes.

On sort de la ville et l’on monte sur quelque éminence pour embrasser d’un regard la cité et sa vallée, toute la coupe arrondie autour d’elle : rien de plus riant ; le bien-être et le bonheur s’y marquent de toutes parts. Des milliers de maisons de campagne la parsèment de leurs points blancs ; on les voit monter de coteau en coteau jusqu’au bord des cimes. Sur toutes les pentes, les têtes des oliviers moutonnent comme un troupeau sobre et utile ; la terre est soutenue par des murs et forme des terrasses ; la main intelligente de l’homme a tourné tout vers le profit et en même temps vers la beauté. Le sol ainsi disposé prend une forme architecturale, les jardins se groupent en étages parmi des balustres, des statues et des bassins. Point de grands bois, aucun luxe de végétation abondante : ce sont les yeux du nord qui ont besoin pour se repaître de la mollesse et de la fraîcheur universelle de la vie végétale ; l’ordonnance des pierres suffit aux Italiens, et la montagne, qui est voisine, leur fournit à souhait les plus belles dalles, blanches ou bleuâtres, d’un ton fin et sobre. Ils les disposent noblement en lignes symétriques ; la maison, sous sa devanture de marbre, luit dans l’air libre, accompagnée de quelques grands arbres toujours verts. On y est bien pour se reposer l’hiver au soleil, l’été à l’ombre, oisif et laissant ses yeux errer sur la campagne.

On aperçoit de loin une porte, un campanile, quelque église. San-Miniato, sur une colline, développe sa façade de marbres bigarrés. C’est une des plus vieilles églises de Florence, elle est du XIe siècle. On entre, et l’on trouve une basilique presque latine, des chapiteaux presque grecs, des fûts polis et sveltes qui portent des arcades rondes. La crypte est pareille ; rien de lugubre ni d’écrasé, toujours des colonnes élancées d’où s’élancent des courbes harmonieuses ; l’architecture florentine dès son premier jour retrouve ou reprend l’antique tradition des formes solides et légères. Les vieux historiens appellent Florence « la noble cité, la fille de Rome. » Il semble que la tristesse du moyen âge n’ait fait que glisser sur elle ; c’est une païenne élégante qui, sitôt qu’elle a pensé, s’est déclarée, d’abord timidement, puis ouvertement, élégante et païenne.


Visites, soirées aux théâtres.

Il y a huit ou dix théâtres, ce qui indique un goût vif pour le plaisir. Ils sont commodes, aérés ; une grande allée tourne autour du parterre et de l’orchestre, les spectateurs ne s’étouffent point comme à Paris ; plusieurs salles sont jolies, bien décorées, simples : le goût semble naturel en ce pays. Quant au reste, c’est autre chose ; les places sont à si bas prix que les directeurs ont peine à se tirer